Le Crédit Social

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Christophe
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Le Crédit Social

Message non lu par Christophe » ven. 19 nov. 2004, 20:18

- Présentation du Crédit Social -

En surfant sur l'Internet, j'ai découvert par hasard la théorie monétariste du Crédit Social que ses partisans présentent comme pleinement conforme à la Doctrine Sociale de l'Eglise. Cet article a pour objet de vous faire découvrir cette notion.


I. ORIGINE ET HISTOIRE DU CREDIT SOCIAL

1. Major CH Douglas, l'inventeur de la théorie
2. William Aberhart et la Ligue du Crédit social
3. Louis Even et le journal Vers Demain
4. Les Pèlerins de saint Michel

II. LA DOCTRINE DU CREDIT SOCIAL

1. La fin de l’économie est le service de l'homme
2. Le système financier moderne, vice du capitalisme
3. L’argent, un simple signe
4. La création monétaire usurpée par les banques
5. L'intérêt sur le crédit bancaire, source de dettes impayables

III. LE SYSTÈME CREDITISTE

1. Recouvrement par l'Etat du monopole de l'émission monétaire
2. Régulation de la masse monétaire en fonction de la richesse nationale
3. Attribution de la monnaie émise
4. Le crédit sans intérêts

CONCLUSION
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I. ORIGINE ET HISTOIRE DU CREDIT SOCIAL

Message non lu par Christophe » ven. 19 nov. 2004, 20:22

I. ORIGINE ET HISTOIRE DU CREDIT SOCIAL

1. Major CH Douglas, l'inventeur de la théorie

La doctrine monétaire du Crédit Social est un ensemble de principes et de propositions financières conçus en 1917 et énoncés pour la première fois en 1918 par un ingénieur écossais, le Major Clifford Hugh Douglas (1879-1952). Le premier exposé de sa doctrine, dans un article intitulé The Delusion of Super-Production (English Review, déc. 1918) a été très rapidement suivi par un premier ouvrage majeur, Economic Democracy paru en 1920 mais d'abord publié par épisode dans la revue New Age: A Weekly Review of Politics, Literature and Art.

2. William Aberhart et la Ligue du Crédit social

La doctrine de Douglas n'auraient vraissemblablement jamais eu d'influence politique si l'évangéliste canadien William Aberhart (1878-1943) n'y avait adhéré en 1932. Aberhart, prédicateur radiophonique, se sert de son émission pour encourager les Albertains à adopter le crédit social pour mettre fin aux ravages de la crise économique des années 30. Il lança un mouvement populaire, la Ligue de Crédit Social, pour obliger les partis institutionnels à implémenter la théorie du Crédit Social.

Face à leur peu d'intérêt, Aberhart décide de se présenter aux élections de 1935 et de fonder le Parti du Crédit Social. Modifiant, vulgarisant et simplifiant la doctrine de Douglas, Aberhart propose de verser à chaque citoyen un "dividende de base" de 25 $ mensuels. Le parti remporte une victoire immédiate et Aberhart est nommé premier ministre de l'Alberta. Le Crédit Social gouvernera la province jusqu'en 1971 mais n'appliquera jamais la réforme monétaire de Douglas.

Au Québec, en 1944, est rédigé le manifeste créditiste sous l'égide de Réal Caouette et de Louis Even.

3. Louis Even et le journal Vers Demain

Les idées du Major Douglas furent reprises et propagées par le canadien-français Louis Even (1885-1974) qui découvre le Crédit social en 1935, en lisant une brochure intitulée From Debt to Prosperity. Il voit dans cette réforme l'application de l'enseignement de l'Eglise sur la justice sociale et une solution à la crise économique. Dès lors, toute la vie et toute l'activité de Louis Even sera consacrée à diffuser la doctrine créditiste.

A côté de très nombreuses conférences et traductions, Louis Even décide de fonder en 1936 les Cahiers du Crédit Social puis, en 1939, le journal Vers Demain dont il devient le rédacteur en chef. La version anglaise du journal - Michael - est lancé en 1973, celle en polonais en 1999 et celle en espagnol en 2003...

Louis Even est notamment l'auteur de la fable illustrée L'Ile des Naufragés qui constitue le b.a.ba du Crédit Social et son livre Sous le signe de l'abondance reste l'exposé de réfèrence de la doctrine monétaire créditiste.

4. Les Pèlerins de saint Michel

Pour promouvoir le journal Vers Demain est crée en 1940 l'Institut d'Action Politique (rebaptisé Institut Louis Even pour la Justice Sociale depuis 1991) qui forme des "apôtres" bénévoles vendeur d'abonnements au porte-à-porte. En 1961, le Mouvement est placé sous la protection particulière du grand Achange Saint-Michel et les apôtres de l’Oeuvre se voient attribuer le titre de "Pèlerins de saint Michel" et sont surnommés les "Bérets Blancs" en raison du couvre-chef qui porte l'emblème du drapeau blanc, rouge et or des créditiste et qui est devenu leur uniforme.

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II. LA DOCTRINE DU CREDIT SOCIAL

Message non lu par Christophe » ven. 19 nov. 2004, 20:27

II. LA DOCTRINE DU CREDIT SOCIAL

Le Crédit Social est une théorie monétaire que son inventeur, le Major Douglas, disait pouvoir définir en deux mots : christianisme appliqué. En 1939, les évêques catholiques du Québec chargèrent une commission de neuf théologiens d'étudier le Crédit Social au regard de la Doctrine Sociale de l'Eglise, pour savoir s'il était entaché de socialisme. Elle rendit ses conclusions le 15 novembre dans La Semaine Religieuse de Montréal.


1. La fin de l’économie est le service de l'homme

"L'organisme économique et social sera sainement constitué et atteindra sa fin, alors seulement qu'il procurera à tous et à chacun de ses membres tous les biens que les ressources de la nature et de l'industrie, ainsi que l'organisation vraiment sociale de la vie économique, ont le moyen de leur procurer. Ces biens doivent être assez abondants pour satisfaire aux besoins d'une honnête subsistance et pour élever les hommes à ce degré d'aisance et de culture qui, pourvu qu'on en use sagement, ne met pas obstacle à la vertu, mais en facilite au contraire singulièrement l'exercice."
(Pie XI, Quadragesimo anno, 1931)

Les créditistes partagent ce principe de primauté de la personne humaine et le Major Douglas commence ainsi son premier livre, Economic Democraty (1920) : "Les systèmes sont faits pour l'homme, et non pas l'homme pour les systèmes, et l'intérêt de l'homme, qui est en son propre développement, est au-dessus de tous les systèmes".

La fin du système économique est le service de l'homme par la satisfaction des besoins matériels authentiques de l'être humain. Pour cela, le système producteur produit les biens et services dont l'homme a besoin et le système financier assure que ceux-ci atteignent efficacement les hommes qui en ont besoin.

2. Le système financier moderne, vice du capitalisme

C'est le pape Pie XI qui énonce le plus clairement la position de l'Eglise vis-à-vis des deux grands systèmes économiques modernes. Si le régime d'économie socialiste est définitivement condamné par l'Eglise - "Le communisme est intrinsèquement pervers." (Divini Redemptoris, 1937) - en revanche le régime d'économie capitaliste bénéficie d'une certaine mansuétude de la part de l'Eglise : "[Le régime capitaliste] n'est pas à condamner en lui-même. Et de fait, ce n'est pas sa constitution qui est mauvaise" (Quadragesimo anno, 1931).

Si le capitalisme ne donne pas - d'un point de vue moral - entière satisfaction, c'est parce qu'il a été vicié et mué en "impérialisme de l'argent" (Paul VI). Les créditistes pensent avoir identifié dans le système financier actuel la source de tous les maux du capitalisme : dettes impayables, manque chronique de pouvoir d'achat, surproduction... C'est ce système financier que la réforme du Crédit social se propose de corriger, faisant ainsi écho à l'appel du pape Jean-Paul II : "Une réforme structurelle du système financier mondial est sans nul doute une des initiatives les plus urgente et nécessaires" (Message à la 6e conférence des Nations Unies sur le Commerce et de Développement, Genève, 26 septembre 1985).

3. L’argent, un simple signe

Pour les créditistes, l'argent n'a aucune valeur de par lui-même. Il est un simple symbole comptable dont la fonction est d'être un instrument de distribution en facilitant l'échange de marchandises ; il représente une valeur, du pouvoir d'achat. Tirant sa valeur de la richesse nationale réelle, la monnaie permet au pays de faire usage de sa propre capacité de production et d'user de ses propres richesses.

Dans un système économique coordonné, la finance doit être le reflet fidèle des réalités économiques. Assurant l'équilibre entre la production et la consommation, entre les prix et le pouvoir d'achat, la monnaie est mise en circulation au rythme de la production et retirée au rythme de la consommation. Mais le système d'argent est vicié, parce que ceux qui le conduisent ne tiennent pas cette comptabilité avec exactitude.

Il est en effet nécessaire de réinjecter continuellement de l'argent dans l'économie pour maintenir le niveau du pouvoir d'achat au niveau de la valeur de la production, car la somme des salaires distribués pour la production d'un bien est toujours inférieur au prix de vente de celui-ci. (Ce fait, mis en évidence par CH Douglas est connu sous le nom de "théorème A + B")

4. La création monétaire usurpée par les banques

Dans le système financier actuel, les Etats ont abandonnés à des compagnies privées (banques à charte) le droit d'émettre la monnaie : la Grande-Bretagne en 1694, le Canada et les Etats-Unis en 1913. Les banques privées - qui n'ont aucune obligation vis-à-vis des États - émettent l'argent à intérêt, sous forme de dette : le crédit bancaire.

Ainsi, la Banque Centrale Européenne - qui émet la monnaie fiduciaire (pièces et billets) et contrôle donc la base monétaire - est une émanation des Banques Centrales des états membres, ces Banques Centrales étant elles mêmes des "réunions" des banques privées. Les banques de second rang jouent le rôle de multiplicateur de crédit avec un coefficient qui dépend essentiellement du pourcentage de réserve obligatoire.

5. L'intérêt sur le crédit bancaire, source de dettes impayables

Conformément à l'enseignement social de l'Eglise sur la question - énoncé dans la Bulle encyclique Vix Pervenit (1745) du pape Benoît XIV - les créditistes considèrent que le prêt à intérêt est immoral. Et il faut bien reconnaître que l'immoralité de l'intérêt est tout-à-fait manifeste et évidente dans le cas du crédit bancaire : en effet, de quel droit les banques exigent-elles un intérêt sur de l'argent scriptural qu'elles ont crées en ajoutant simplement deux lignes d'écriture sur un bilan ?

Outre qu'il est réclame des intérêts indus, le système du crédit bancaire est néfaste car il crée des dettes impayables. Supposons qu'une banque vous prête 100 €, au taux de 5% d'intérêt. La banque crée 100 € et vous demande de rembourser 105 € : 100 € de capital et 5 € d'intérêts. Or les 5 € d'intérêts que la banque vous réclame n'existent pas puisque la banque ne les a pas crée. Et le seul moyen de rembourser cet argent qui n'existe pas, c'est d'emprunter à nouveau. Et plus les années passent, plus les dettes s'accumulent, il n'y a aucun moyen de s'en sortir. Il est possible à certains emprunteurs, pris individuellement, de rembourser leur prêt en entier - capital et intérêt - mais c'est impossible pour tous les emprunteurs, pris collectivement.

Cette domination du système financier par le secteur bancaire a été en son temps dénoncé par le pape Pie XI : "Ce qui, à notre époque, frappe tout d'abord le regard, ce n'est pas seulement la concentration des richesses, mais encore l'accumulation d'une énorme puissance, d'un pouvoir économique discrétionnaire, aux mains d'un petit nombre d'hommes qui d'ordinaire ne sont pas les propriétaires, mais les simples dépositaires et gérants du capital qu'ils administrent à leur gré. Ce pouvoir est surtout considérable chez ceux qui, détenteurs et maîtres absolus de l'argent, gouvernent le crédit et le dispensent selon leur bon plaisir. Par là, ils distribuent en quelque sorte le sang de l'organisme économique dont ils tiennent la vie entre leurs mains, si bien que sans leur consentement nul ne peut plus respirer." (Quadragesimo anno, 1931)
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III. LE SYSTÈME CREDITISTE

Message non lu par Christophe » ven. 19 nov. 2004, 20:36

III. LE SYSTÈME CREDITISTE

Cette partie a pour objet d'examiner les différentes propositions faites par les créditistes pour résoudre les problèmes évoqués ci-dessus.

1. Recouvrement par l'Etat du monopole de l'émission monétaire

Afin de restaurer le système monétaire dans ses justes fondements et de l'ordonner à sa fin naturelle - la satisfaction des besoins matériels authentiques de l'homme - les Etats doivent récupérer la prérogative qui leur appartient de droit (régalien) et qu'ils ont iniquement abandonnée au secteur bancaire privé : le droit de battre monnaie. En effet, comme le disait saint Louis, Roi de France : "le premier devoir d'un roi est de frapper l'argent lorsqu'il en manque pour la bonne vie économique de ses sujets".

Une Banque d'Etat pourrait remplir cette fonction d'émettre la monnaie nationale, tant fiduciaire (pièces et billets) que scripturale (argent de chiffre). Cela implique l'obligation pour les banques privées de n'accorder des crédits qu'en fonction de leurs dépôts.

2. Régulation de la masse monétaire en fonction de la richesse nationale

La masse monétaire, c'est-à-dire le volume de monnaie en circulation dans le pays doit être continuellement ajustée à la richesse nationale afin de conserver l'équilibre entre les biens disponibles et la monnaie - représentant un pouvoir d'achat - qui permet de les acheter.

Usuellement, la création de richesse d'un territoire est évaluée grâce à l'agrégat du Produit Intérieur Brut (PIB), qui mesure la valeur de tout ce qui a été produit en un an dans le pays et est calculé en additionnant les valeurs ajoutées réalisées par les entreprises sur ce territoire. Néanmoins, ce n'est pas le PIB que les créditistes proposent d'utiliser pour la régulation de la masse monétaire. En effet, si le PIB exprime assez bien la création de richesse (tout en demeurant contestable), il omet la perte de valeur qui a lieu dans le même temps par usure, cession, consommation... Par exemple, une guerre ou une catastrophe naturelle vont créer de l'activité par le besoin de reconstruction et le bilan sera interprété par le PIB comme un enrichissement national !

Les créditistes proposent donc d'évaluer l'accroissement de la richesse nationale par le différentiel entre la création de richesse et la destruction de richesse. Par exemple, supposons que pour une année donnée, les statistiques nationales soient :

<table align="center" border=0 cellspacing=0 cellpadding=5><tr><td><table border=5 cellspacing=5 cellpadding=5><tr><td width="250">Production de biens de capital :</td><td>2000 Md€</td></tr><tr><td>Production de biens consommables :</td><td>5000 Md€</td></tr><tr><td>Importations :</td><td>1000 Md€</td></tr><tr><td>Total des enrichissements :</td><td>8000 Md€</td></tr></table></td><td><table border=5 cellspacing=5 cellpadding=5><tr><td width="250">Dépréciation du capital :</td><td>1200 Md€</td></tr><tr><td>Consommation :</td><td>4000 Md€</td></tr><tr><td>Exportations :</td><td>800 Md€</td></tr><tr><td>Total des appauvrissements :</td><td>6000 Md€</td></tr></table></td></tr></table>

Pendant que le pays s'enrichissait (en biens réels) de 8000 Md€, il s'appauvrissait (en usant, cédant, consommant) de 6000 Md€. Au bilan, le pays s'est donc enrichi de 2000 Md€. Pour rendre la production pleinement accessible aux consommateurs - auxquels elle est destiné - et afin d'éviter le phénomène de la surproduction, il est nécessaire de mettre en circulation une somme monétaire - symbolisant une valeur marchande - équivalente à cet enrichissement, soit 2000 Md€.

3. Attribution de la monnaie émise

S'il y a émission de monnaie, se pose la question de son usage : Que faire de cet argent ?

Traditionnellement, les créditistes proposent d'écluser le surplus monétaire en versant un dividende à tous les citoyens, de la naissance à la mort. On retrouve donc là la (mauvaise) idée de Dividende Universel (DU) défendu en France par Christine Boutin. Je n'insiste pas, conformément aux recommandations de la Commission d'Etudes qui conseille aux créditistes de "ne pas trop appuyer sur le dividende, qui n'est pas essentiel au système".
Mais à qui revient de droit cet argent, représentant un pouvoir d'achat équivalent à la richesse crée ? Est-ce aux citoyens, indifféremment de leur travail ? Certainement pas : "Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus." (2 Th 3.10) Est-ce aux travailleurs créateurs - par leur travail - de cette richesse ? Non plus, car leur salaire suffit : "Mon ami ! Je ne te fais pas de tort, n'as-tu pas été d'accord avec moi pour un denier ? Prends ce qui est à toi et va-t'en." (Mt 20.13-14) Cette augmentation de la richesse collective qui n'appartient à personne en particulier appartient donc à tous, c'est-à-dire à la communauté - dont l'Etat est l'émanation institutionnelle. Il est donc parfaitement légitime que l'Etat conserve l'usage - pour le bien commun - de cet argent qu'il a crée et diminue d'autant les prélèvements obligatoires qui pèsent sur la nation.

Une autre proposition créditiste pour égaliser la production et le pouvoir d'achat est d'instaurer un escompte national sur les prix, c'est-à-dire que chaque achat (ou vente) facturé donnerait lieu l'année suivante - lorsque les comptes de la Nation auront été réalisés - a un remboursement au consommateur ou au vendeur. Au-delà de la difficulté technique de la mise en oeuvre de cette proposition et de la question de la légitimité de sa philosophie (distribuer le nouveau pouvoir d'achat au prorata du pouvoir d'achat acquis), il faut s'interroger sur son opportunité même. Cette proposition postule un décalage entre la masse monétaire en circulation et la production disponible sur le marché, décalage qui ne pourrait être résorbé que l'année suivante, une fois les comptes réalisés. Or les statistiques économiques sont aujourd'hui disponibles en temps réel, c'est-à-dire que l'Etat est capable en permanence d'ajuster le volume monétaire disponible et un "escompte" serait parfaitement inutile.

4. Le crédit sans intérêts

Les créditistes demandent l'instauration du prêt sans intérêt. Les banques privées ne pourront plus accorder de crédits qu'en fonction de leurs dépôts et seront rémunérés en facturant des honoraires ou en recevant des dividendes lorsque le capital prêté fructifie et crée des richesses. Pour se couvrir contre les risques de non-remboursement, la banque peut exiger des garanties (cautions, hypothèques) ou proposer des polices d'assurance.

De même la Banque d'Etat pourra, comme toute banque privée, créer du crédit lorsque le besoin s'en fait sentir (chômage de masse...), afin d'alimenter la croissance de production de biens réels (biens d'équipement, services supplémentaires, biens de consommation nécessaires). Lorsque le prêt - sans intérêts - est remboursé, la dette disparaît, mais le bien réel qu'il a permis de produire reste là, lui.
Dernière modification par Christophe le sam. 27 nov. 2004, 14:25, modifié 1 fois.

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CONCLUSION

Message non lu par Christophe » sam. 20 nov. 2004, 21:44

CONCLUSION

L'expression Crédit social a - selon certains - deux significations. D'abord il signifie la récupération par l'État souverain de sa prérogative d'émettre le crédit, par opposition au système du crédit bancaire. Il exprime également la confiance retrouvé dans les promesses de la vie social, par opposition au discrédit social.

La Commission d'études de l'Église Catholique qui avait examiné la conformité des idées du Crédit social à la Doctrine Sociale de l'Église avait émis le souhait d' "une étude plus approfondie de ce système au point de vue purement économique". Il ne me semble pas que leur appel ait été jusqu'à présent entendu, alors même que le Crédit social est une réforme très prometteuse dont les promoteurs nous assurent qu'elle serait capable d'éteindre la dette, de juguler la surproduction, de contenir l'inflation, de restreindre le chômage...

Quand les effets seraient beaucoup moins utopiques - car ne s'agit-il pas seulement de revenir à certains principes qui régissaient le système financier de l'ancien régime ? - il me semble que cette réforme ne pourrait aller que dans le bon sens. Mais ne nous illusionnons pas, ce bon sens, les profiteurs du régime financier actuel se battrons pour qu'il ne triomphe pas...

Christophe
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VexillumRegis
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Message non lu par VexillumRegis » dim. 21 nov. 2004, 0:34

Bonsoir Christophe,

Quoique mes connaissances dans le domaine économique soient pour ainsi dire nulles (j'ai toujours été allergique aux chiffres...), je tenais cependant à saluer la qualité de ton travail, synthèse très claire, intéressante et excellement présentée.

Je suis particulièrement sensible à cette nécessité pressante, bien mise en valeur dans la théorie du Crédit social , de rétablir la primauté du politique sur l'économique.

Voilà (je suis malheureusement incapable d'engager une discussion de fond sur un sujet dont je ne maîtrise même pas les bases les plus élementaires... :oops: )

Cordialement,

- VR -

wanderer
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Message non lu par wanderer » mer. 24 nov. 2004, 22:25

Un peu comme Vexillum regis, je n'ai pas tout compris, je le dis humblement. :oops:

Il est clair que cela est intéressant et tentant comme théorie.

Je voudrais poser juste une petite question. A votre avis, à quelle échelle doit être entrepris le crédit social pour être efficace. A l'échelle d'un pays? d'un continent? de la planète?

Qu'adviendrait-il d'un pays qui l'adopterait et dont le voisin garderait le système actuel? Se ferait-il plumer? Des doctrines comme le commerce équitable semblent aussi de réelles alternatives au capitalisme délirant, mais j'ai l'impression que ces théories ne vallent rien si elles ne bénéficient pas d'un concensus mondial.

Je dis peut-être des énormités, vous corrigerez! :P

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Sur le réalisme de la réforme du Crédit social

Message non lu par Christophe » jeu. 25 nov. 2004, 21:00

Bonsoir Wanderer
Des doctrines comme le commerce équitable semblent aussi de réelles alternatives au capitalisme délirant, mais j'ai l'impression que ces théories ne vallent rien si elles ne bénéficient pas d'un concensus mondial.
[align=justify]Je partage votre avis, et c'est pour cela qu'à mes yeux le commerce équitable ne constitue pas une alternative généralisable à la logique du capitalisme moderne... (Sans d'ailleurs que cela retire quoique ce soit aux qualités d'un système qui, bien que destiné à rester "marginal", permet d'apporter un peu plus de justice dans un monde qui en a grand besoin.)[/align]
wanderer a écrit :Qu'adviendrait-il d'un pays qui l'adopterait et dont le voisin garderait le système actuel? Se ferait-il plumer?
[align=justify]Non, je ne crois pas. Quel avantage aurait un pays conservant le système monétaire actuel par rapport à un pays appliquant le Crédit social ? J'ai réfléchi et je n'en ai pas trouvé. Les seuls "perdants" de cette réforme seraient les banques qui devraient renoncer aux revenus de l'usure sur l'argent qu'elle ont crée pour le prêter.

Il me semble au contraire que le pays qui appliquerait cette réforme bénéficierait d'un avantage certain : son budget ne serait pas grévé par le remboursement de la dette (80% de l'impôt sur le revenu en France sert au remboursement des seuls intérêts de la dette - sans même entamer le remboursement du capital). L'Etat ne serait plus dépendant du pouvoir des banques, donc soumis à leur influence. Entre la disposition de la monnaie crée (III.3) et l'extinction de la dette la pression fiscale pourrait être fortement diminuée et/ou l'Etat offrir des services supplémentaires. Toutes choses qui participent de l'attractivité nationale...

Si le système était étendu à plus grande échelle, les pays les plus industrialisés - s'ils étaient animés d'un esprit philanthropique - pourraient financer le développement des pays les plus pauvres en leur prêtant de l'argent sans intérêt. Il faut savoir que, dans le problème de la dette des pays pauvres, c'est le remboursement des intérêts de la dette (et non pas du capital) qui asphixie l'économie et affame les populations...[/align]

Cordialement
Christophe
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Message non lu par FMD » ven. 26 nov. 2004, 22:46

[align=justify]Tout d'abord je tiens à féliciter Christophe pour cet excellent développement sur le Crédit social, et malgré mes maigres connaissances économiques, un tel système me semble apte à corriger les injustices causées par le libéralisme. Quant au réalisme de cette mesure, il est vrai qu'il est incontestable mais je ne vois pas comment il serait applicable en France avec la « conjoncture idéologique » actuelle. Peut-être faudrait-il encourager les pays du Sud a adopté une telle mesure, je pense par exemple à l'Amérique latine où le Crédit social permettrait à l'Église catholique de balayer définitivement la nostalgie des révolutions marxistes, prouvant par la même occasion que l'Évangile et son application ont encore beaucoup de choses à nous apprendre en ce début de 21ème siècle.

Par ailleurs j'aurais également une petite question, est-ce que le Crédit social a-t-il déjà été « testé » ? Si oui, à quelle échelle ? :?:[/align]

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Le Crédit Social

Message non lu par Christian » dim. 05 déc. 2004, 16:20

Bonjour à tous,

Tout frais inscrit sur cette liste, j’y découvre un concept entièrement nouveau pour moi, le Crédit Social. Merci à Christophe qui l’a exposé brillamment. A la fin de son article, il conclut que seul l’appât du lucre de quelques financiers empêche l’application de ce projet.

Christophe, je ne pense pas. Je ne suis pas économiste, mais en me fondant sur votre seule description du système, je trouve assez de raisons techniques et morales pour ne pas le substituer au nôtre.

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Raison morale, d’abord. Le prêt à intérêt est parfaitement licite. Il faut pour le comprendre distinguer deux raisons d’emprunter :

1 le prêt à la consommation
2 le crédit d’équipement


1)
Le prêt à la consommation permet d’acheter du temps. Je souhaite acheter une télévision, mais je n’ai pas l’argent sur mon compte. Je vais donc l’acheter à crédit. Plutôt que d’épargner quelque temps pour accumuler la somme nécessaire, je vais l’emprunter afin d’obtenir une satisfaction immédiate. Il me semble logique et moral de payer pour mon impatience.

Autrefois, le crédit à la consommation portait sur des biens essentiels. Le paysan empruntait jusqu’à la prochaine récolte. Le pauvre s’endettait pour manger en attendant…. on ne sait quoi. Dans ces cas, demander un intérêt pouvait sembler un racket. Cette forme de prêt a quasiment disparu dans les stés riches, remplacée par des formes d’assistance sociale ; mais en dehors du prêt aux souverains pour la guerre, etc., elle était certainement la forme la plus répandue et justifie que les Juifs, Musulmans et Chrétiens l’aient condamnée. Mais cette condamnation n’a pas lieu de porter sur les formes de prêt à la consommation et à l’équipement que nous connaissons aujourd’hui. Le prêt à intérêt est non seulement moral, mais nécessaire.

---------------

Le prêt à la consommation ne crée aucune richesse comptable (la satisfaction ne se comptabilise pas). Ce n’est pas grâce à la télévision que je vais rembourser mon emprunt, mais en puisant dans une autre source de revenus (mon salaire). J’avais donc bien les ressources pour acheter cette télévision. J’aurais pu épargner plutôt que d’emprunter si je n’avais pas été aussi pressé de consommer.

2)
Le crédit d’équipement, en revanche, permet un accroissement des biens produits. Mes économies et ma capacité d’épargne ne me permettent aucunement d’acheter la machine X (cabinet dentaire, moissonneuse-batteuse, etc.). Le but ici n'est donc pas d'acheter du temps, mais de générer une nouvelle source de revenus. Ce sera possible avec l'acquisition de cette machine. C’est le raisonnement du banquier. L’argent qu’il me prête (théoriquement) lui sera remboursé par la machine elle-même (contrairement à la télévision). Puisque grâce à cette machine, je vais gagner plus d’argent, je ne vois pourquoi lui, qui rend cet achat possible, n’en gagnerait pas aussi.

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Plutôt que ‘taux d’intérêt’, il est plus éclairant de parler de ‘loyer de l’argent’. Lorsque je me rends dans une ville pour 3 jours, je ne vais pas y acheter une voiture, mais je trouverai pratique d’en louer une. Je rémunère le service du loueur qui me fournit un véhicule comme celui du banquier qui met à ma disposition un capital. Et je les rémunère en pourcentage du service qu’ils me rendent, en pourcentage du capital, de même que je loue plus cher un grand appartement qu’un petit, plus cher une voiture de luxe qu’une petite cylindrée.

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Contrairement à ce que vous affirmez au point 5 de votre exposé, la dette n’est donc pas impayable. Elle l’est soit par les revenus du consommateur, qui a choisi de distraire de son salaire un montant pour jouir plus vite de son achat, soit par l’augmentation de la production qu’un nouveau bien d’équipement rend possible.

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Le loyer de l’argent possède aussi une valeur incitative. Elle disparaît dans le système créditiste. De même que peu de propriétaires loueraient des appartements et des voitures s’ils ne percevaient pas de loyer, on ne verra pas beaucoup de banquiers accorder des prêts. Pire, ils n’en accorderont qu’aux meilleures signatures.

En effet: je suis banquier créditiste. Je ne peux prêter plus que mes dépôts. Entre Madame Lefort, belle situation, appartement libre d’hypothèque, garanties, etc., et M Tartemolle, jeune qui s’installe, je sais tout de suite à qui je prête. Les frais de dossier que les créditistes imaginent comme seule rémunération du banquier sont les mêmes pour ces deux emprunteurs. Je n’ai donc aucune incitation à prendre le risque de M Tartemolle. Pourquoi prendre le risque de la jeune entreprise ? pourquoi prendre le risque du pays en voie de développement ? Dans ce système créditiste sans l’incitation de taux d’intérêt élevés, plus encore que maintenant, on ne prêtera qu’aux riches.

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Une question : quelle est la différence entre le système créditiste et celui des banques islamiques, qui conformément au Coran, ne prêtent pas à intérêt ?

(En réalité, semble-t-il, ces banques prennent une participation garantie et fixée d’avance, ce qui est un taux d’intérêt sous un autre nom).

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Voilà qqs commentaires hâtifs sur un sujet nouveau pour moi. J’ai l’impression que pour éviter ce qu’ils croient être à tort une faute morale (‘l’usure’), les créditistes s’ingénient à construire un autre système bancaire, bien plus inefficace et injuste que celui qu’il est censé remplacer.

Il y a donc de fort bonnes raisons, me semble-t-il, en dehors, d’intérêts catégoriels, pour que le Crédit Social n’ait jamais reçu un début d’application.

Cordialement

Christian

PS. Les créditistes soulèvent un autre problème, qui est celui de la création de monnaie. Puisque j’ai du temps ce dimanche, je ferai qqs remarques à ce sujet dans un autre message.

Christian
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Message non lu par Christian » dim. 05 déc. 2004, 16:57

Les banques jouissent du privilège de créer de la monnaie. Encore une fois, je ne suis pas économiste et ce n’est pas le lieu de montrer comment cette magie est possible. Disons qu’à côté de grands avantages, elle implique un risque systémique, la faillite d’une banque majeure pouvant théoriquement entraîner celle de toutes les autres.

Cependant, si l’on abandonne le système de réserves fractionnaires et si l’Etat devient le seul pourvoyeur de monnaie, comme le suggèrent les promoteurs du ‘Crédit Social’, deux autres dangers se présentent :

1 le clientélisme
2 la dévalorisation de la monnaie

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1 le clientélisme

A vous lire (je n’ai pas d’autre source sur le sujet), les ‘créditistes’ ont une vision angélique du monde politique. Les hommes de l’Etat, oublieraient leurs intérêts personnels et ne seraient animés que du souci du ‘bien commun’ (définition ?). Leur fonction leur confèrerait en outre une sagesse et une clairvoyance déniées au commun des mortels.

Un peu plus de scepticisme serait sain et réaliste. Le pouvoir d’allouer les ressources monétaires de la nation est extravagant. Dans le système actuel, il est heureusement éclaté. Si la Banque Grigou ne me consent pas un crédit, j’ai la ressource de m’adresser à la Banque Rapiat, etc. Si le crédit est un monopole des hommes de l’Etat, un seul refus est un refus définitif. Or, quels vont être leurs critères de sélection ? Ne seront-ils pas influencés par les prochaines échéances électorales ? par le pouvoir de nuisance de certaines professions (des barrages d’agriculteurs, une grève d’électriciens, ont plus d’impact immédiat qu’une grève de chercheurs), etc. ? Pourtant ce ne sont pas ceux qui crient le plus fort qui sont nécessairement les plus représentatifs du ‘bien commun’.

2 la dévalorisation de la monnaie

Pressés par des échéances électorales, par des revendications musclées, ou par le réel souci des chômeurs et des déshérités, les hommes de l’Etat sont constamment tentés de dépenser plus que les revenus (nos impôts). Ils empruntent. Or tout comme les hommes d’affaires, les hommes de l’Etat se trompent ; le produit des emprunts est partiellement engouffré dans des subventions et investissements improductifs (Plan Calcul, Concorde...). Il faut donc produire toujours plus de monnaie (‘la planche à billets’) pour masquer les erreurs de gestion, ne pas augmenter les impopulaires impôts, et continuer de satisfaire aux engagements sociaux et aux revendications nouvelles.

Lorsqu’il apparaît trop de monnaie, le cours de la monnaie baisse, autrement dit les prix montent, c’est l’inflation. Elle s’autoalimente. En voyant le cours de la monnaie baisser, les particuliers et les entreprises s’en débarrassent au plus vite pour acquérir des valeurs-refuge et souvent improductive, immeubles, or, objets d’art… Personne ne veut posséder de monnaie qui se dévalue, réduisant donc la demande, alors que les hommes de l’Etat augmentent l’offre. Non seulement les particuliers et les entreprises ne veulent pas posséder de monnaie, ils veulent veut même en devoir. Chacun s’endette en anticipant de rembourser en monnaie dévaluée.

Les ravages de l’inflation et la pauvreté absolue qu’elle entraîne sont bien documentés depuis l’expérience de Law sous la Régence en France et celle des assignats sous la Révolution, et plus près de nous, celles de la République de Weimar dans les années 1920, des pays sud-américains dans les années 50-80, de la Russie des années 90. C’est pourquoi la sagesse a voulu retirer aux hommes de l’Etat la possibilité même de créer de la monnaie.

Après les assignats, la France est retournée à une monnaie-or restée heureusement stable pendant plus d’un siècle, jusqu’aux dépenses de la Première Guerre mondiales, sans doute inévitables, mais qui ont anéanti l’épargne nationale.

L’avantage de la monnaie métallique est que les hommes de l’Etat ne sont pas alchimistes. Ils ne peuvent pas inventer de l’or comme ils impriment des billets. Il n’est plus sérieusement question aujourd’hui de revenir à une monnaie métallique, mais d’autres moyens existent d’aider les politiciens à résister aux demandes de créer artificiellement de la monnaie, en leur retirant simplement la capacité de le faire (comme on fait interdire de jeu dans les casinos un intoxiqué).

Dans certains pays, on place le contrôle de la monnaie sous un ‘currency board’, un comité indépendant, souvent composé d’étrangers. Dans d’autres pays, les gouvernements accordent à l’institut d’émission une indépendance reconnue par la constitution. C’est le cas de la zone euro. Nos hommes de l’Etat peuvent se retourner vers l’électorat, la main sur le cœur, en disant : ‘nous aimerions beaucoup satisfaire vos demandes, mais la Banque Centrale Européenne ne permet pas que nous augmentions le déficit budgétaire’. C’est le jeu du bon flic (politiciens) avec le méchant flic (banque centrale). Peu glorieux, mais judicieux.

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Il est parfaitement compréhensible que celui qui a des échéances, des gamins à nourrir, des charges, et souhaite améliorer son quotidien, que celui-là revendique. Il n’est pas la cause de l’inflation. Ce n’est pas la hausse des revenus qui cause l’inflation, mais l’augmentation de la masse monétaire au-delà de l’augmentation de richesses. Ce que les créditistes reconnaissent explicitement. Je vous cite : « La masse monétaire, c'est-à-dire le volume de monnaie en circulation dans le pays doit être continuellement ajustée à la richesse nationale afin de conserver l'équilibre entre les biens disponibles et la monnaie - représentant un pouvoir d'achat - qui permet de les acheter. »

Le danger est que les hommes de l’Etat augmentent la masse monétaire au-delà de cette création de richesses, au mauvais prétexte de ‘relancer la machine économique’, ‘injecter du pouvoir d’achat’, etc. Tout cela fut tenté dans les années 60 et 70, avec la stagflation (stagnation + inflation) pour seul résultat.

Cordialement
Christian

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Re: Application du Crédit social ?

Message non lu par Christophe » dim. 05 déc. 2004, 22:18

Bonsoir Franck !

Il me faut assurer le "SAV" de mon article et je prends du retard ! Déjà trois réponses à faire... :oops:
J'en profites pour saluer Christian et lui souhaiter une chaleureuse bienvenue ! :) J'essaierai de répondre le plus rapidement possible... ;-)
Franck a écrit :Par ailleurs j'aurais également une petite question, est-ce que le Crédit social a-t-il déjà été « testé » ? Si oui, à quelle échelle ? :?:
[align=justify]D'après les informations que j'ai pu collecter, il semble que c'est aux Etats-Unis que le système du Crédit Social a connu ses applications les plus abouties.

Je vous invite à consulter ces deux articles : L'histoire du contrôle bancaire aux Etats-Unis et Le Crédit Social aux Etats-Unis en 1932 dont je n'ai pas vérifié l'exactitude historique.

Un autre fait, non mentionné dans les deux articles indiqués : le 4 juin 1963, Kennedy a décrété l'ordre exécutif 11110 qui consistait à créer $4 292 893 815 de States Notes par le Trésor US destiné à remplacer à terme les Federal Notes de la Federal Reserve. En cela il rétablissait la Constitution qui interdisait au Congrès de déléguer le pouvoir de la création monétaire à des sociétés privés ce qui est le cas de la FED (Banque Centrale US). Kennedy fut assassiné le 22 novembre 1963...[/align]

Amicalement
Christophe
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Re: Sur la moralité de l'usure

Message non lu par Christophe » dim. 12 déc. 2004, 1:11

[align=justify]Bonsoir Christian :)

J'ai reproduit l'encyclique Vix Pervenit ainsi que des extraits de la Somme Théologique sur le thème de la moralité de percevoir des intérêts pour un prêt d'argent ( usure ). La position traditionnelle de l'Eglise est de considérer l'usure comme un péché. Sans être expert, il me semble que l'Eglise est maintenant plus réservée sur cette question et le Catéchisme n'y fait que de rares références.

Il est certain que le prêt à intérêt est contraire à la charité, puisqu'il est écrit : "faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour" (Lc 6.35) Mais est-il également contraire à la justice ? C'est ce qu'il faut discuter. Je n'ai absolument pas la réponse, mais je vais réagir à vos propos.

Je suis d'accord avec votre distinction entre le prêt à la consommation et le prêt à l'investissement. Mais ne voir dans le prêt à la consommation que la satisfaction d'un caprice de comsommateur obèse, c'est oublier que de nombreux pays empruntent pour la satisfaction des besoins primaires de leurs populations et que - dans nos pays - si les pauvres n'empruntent pas, c'est parce que l'on ne prête qu'aux riches.
Lorsque l'on fait un prêt à la consommation, et contrairement à ce que vous dîtes, c'est que l'on ne possède pas les ressources pour consommer. Mais le prêteur fait "crédit", c'est-à-dire qu'il fait l'hypothèse de votre solvabilité future. Si vous pouvez rembourser votre dette, tant mieux. Sinon, gare au surendettement ! En arriver là pour un caprice de téléviseur est quand même dommage...

Vous écrivez que puisque l'entrepreneur crée des richesses grâce à l'investissement financé par le prêt, il est normal que le prêteur, qui rend cet achat possible, soit rémunéré. Mais si le prêteur doit être intêressé aux gains, il doit l'être également aux pertes. Dans ce cas, il ne s'agit plus - pour le banquier - d'un prêt, mais d'une participation financière à l'investissement. Si vous justifiez l'usure par les bénéfices réalisés par l'argent prêté, il faut aller au bout et le refuser dans le cas où ces bénéfices n'existent pas... notamment dans le cas du prêt à la consommation.

Sur la comparaison entre prêt d'argent et la location d'un bien de consommation et qui est le nerf de votre raisonnement, il me semble que c'est exactement là que les théogiens bloquent. Pour eux, l'argent n'a pas de valeur par lui-même mais n'est qu'un symbole fiduciaire. Il faudrait réfléchir plus avant sur la nature de l'argent pour trancher.

Concernant la solvabilité globale de la dette, je vais développer ce que j'ai expliqué dans l'article. Vous dites que la dette est solvable, car elle aura servi à avancer un revenu où à financer un investissement productif. Mais l'investissement productif ne crée pas d'argent : il crée des richesses. Et la banque ne veut pas être payée en richesse, elle veut être payée en argent. Mais elle seule produit l'argent ! Elle souhaite donc se faire payer dans un symbole qu'elle est la seule à produire, et qu'elle produit sous forme de dette sur laquelle pèse un intérêt : elle demande qu'on lui rende toujours plus d'argent qu'elle n'en a produit. De même la consommation permise par le prêt à la consommation détruit des richesses (par la consommation) et fait circuler la monnaie mais laisse la somme d'argent en circulation inchangée. Les intérêts réclamés par la banque n'ont jamais été crées et ne le seront que sous forme d'une nouvelle dette, en accordant un nouveau prêt à la même personne ou à une autre. Ainsi les revenus que le consommateur perçoit et grâce auxquels il escompte rembourser son prêt lui sont payés en argent, de l'argent qui a été crée par la banque sous forme de dette.
Si il est possible, individuellement, de rembourser ses dettes, cela devient impossible pour la collectivité. Dîtes-moi si vous n'avez pas compris ce point, car il me semble que c'est là la clef de l'analyse créditiste. Je vous invite à lire la fable de l'Île de Naufragés dont je donne le lien dans mon article et qui illustre bien ce fait.

D'après vous, le loyer de l'argent possède une valeur incitative. Je veux bien vous croire. Mais n'oubliez pas cependant que l'argent que les banques prêtent ne leur appartient pas (et c'est ce qui rend si odieux à mes yeux l'intérêt bancaire) : soit il s'agit d'argent crée pour la cause, soit il s'agit de dépôt opéré chez elles. La condition d'existence d'une activité économique - tel le secteur bancaire - est d'être rentable. Dés lors qu'il est reconnu aux banques le droit d'être rémunérées pour leur prestation, il me semble erroné de prétendre qu'elle refuseront de prêter. Dés lors que le prêt sans intérêt est accompagné de garanties de remboursement suffisantes et que le capital remboursé est équivalent (ie en tenant compte de l'inflation) au capital prêté, il n'y a pas perte de valeur pour la banque.
Un peu comme si le loueur de voitures faisait payer des frais de dossier, vous donne une voiture neuve et exige de récupérer une voiture neuve équivalente à un terme fixé contractuellement. Un peu farfelu dans le cas de la location de voiture, il semblerait que ce système soit bien adapté à la nature de l'argent.

Sur le cas Lefort/Tartemolle, il ne me semble pas y avoir de difficulté. Le seul critère que prend en compte le banquier qui fait crédit est l'anticipation de la solvabilité de l'emprunteur. Or, dans le système créditiste, le banquier peut prendre des garanties : gage, hypothèque, caution ou police d'assurance. On peut bien sûr imaginer que le montant de la police d'assurance ne sera pas le même pour Madame Lefort que pour Monsieur Tartemolle. Un travers du système actuel me semble être - mais vous me détromperez peut-être - le fait que les banques sont elles-mêmes leur propres assureurs et de toutes façons je ne crois pas que les banques françaises soient réputées pour leurs prises de risques...

Je ne connais pas le système des banques islamiques, mais si effectivement la "participation garantie" que vous évoquez est proportionnelle à la durée de l'emprunt, il s'agirait effectivement d'une usure dissimulée.

Enfin et pour conclure, il me semble que le plus important dans la théorie du Crédit social n'est pas la suppression de l'usure mais bien le recouvrement par les pouvoirs publics de leur prérogative d'émettre la monnaie. Je répondrai à votre second message dans les prochains jours.


Très cordialement
Christophe[/align]
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Message non lu par Raphael-Ange » dim. 12 déc. 2004, 1:20

En fonction et en rapport de ce système créditiste dont tu fais la promotion , que penses-tu de la nouvelle mode actuelle de la SIMPLICITÉ VOLONTAIRE et des commerces ÉQUITABLES ?

Christian
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Sur la moralité de l'usure

Message non lu par Christian » lun. 13 déc. 2004, 10:58

Bonjour Christophe,
J'ai reproduit l'encyclique Vix Pervenit ainsi que des extraits de la Somme Théologique sur le thème de la moralité de percevoir des intérêts pour un prêt d'argent ( usure ). La position traditionnelle de l'Eglise est de considérer l'usure comme un péché. Sans être expert, il me semble que l'Eglise est maintenant plus réservée sur cette question et le Catéchisme n'y fait que de rares références.
Merci, Christophe, de nous faire connaître ces travaux. Il est normal que le grand Saint Thomas, ne connaissant que l’économie de son temps, se soit mépris sur la fonction du prêt à intérêt. L’encyclique ‘Vix pervenit’ du 18ème siècle traduit déjà un grand embarras ecclésial sur cette question de ‘l’usure’.
Je suis d'accord avec votre distinction entre le prêt à la consommation et le prêt à l'investissement. Mais ne voir dans le prêt à la consommation que la satisfaction d'un caprice de comsommateur obèse, c'est oublier que de nombreux pays empruntent pour la satisfaction des besoins primaires de leurs populations et que - dans nos pays - si les pauvres n'empruntent pas, c'est parce que l'on ne prête qu'aux riches.
Lorsque l'on fait un prêt à la consommation, et contrairement à ce que vous dîtes, c'est que l'on ne possède pas les ressources pour consommer. Mais le prêteur fait "crédit", c'est-à-dire qu'il fait l'hypothèse de votre solvabilité future.
Je pense que la condamnation de ‘l’usure’ ne portait guère sur des prêts à des consommateurs ‘obèses’. Ce n’était vraiment pas le pb de l’époque, ni des millénaires qui ont précédé la Révolution industrielle. Mais justement : Le prêt à la consommation était pour permettre à un paysan de faire la soudure avec la récolte suivante, lorsque celle de l’année en cours était déficitaire, pire encore, de permettre à des malheureux de survivre en attendant un miracle. Ces prêts étaient donc anti-économiques. Il existait très peu de chances qu’ils fussent remboursés. Des fesse-mathieux sordides les avançaient à quelques désespérés avec la perspective de faire saisir le gage, la terre, qui valait bien plus. Je crois que c’est dans cette circonstance, si fréquente à l’époque, qu’il faut chercher la condamnation du prêt à intérêt chez les Juifs, les premiers Chrétiens et les Musulmans.

Quand vous écrivez « le prêteur… fait l’hypothèse de votre solvabilité future », c’est une hypothèse que l'emprunteur est bien placé pour faire lui-même. Il sait qu'il donc qu'il pourrait épargner jusqu’à accumuler la somme nécessaire à l’achat du bien désiré. En empruntant, le consommateur achète du temps. Il ne veut pas différer la jouissance qu'il attend de son acquisition.
Vous écrivez que puisque l'entrepreneur crée des richesses grâce à l'investissement financé par le prêt, il est normal que le prêteur, qui rend cet achat possible, soit rémunéré. Mais si le prêteur doit être intêressé aux gains, il doit l'être également aux pertes. Dans ce cas, il ne s'agit plus - pour le banquier - d'un prêt, mais d'une participation financière à l'investissement. Si vous justifiez l'usure par les bénéfices réalisés par l'argent prêté, il faut aller au bout et le refuser dans le cas où ces bénéfices n'existent pas... notamment dans le cas du prêt à la consommation.
Celui qui loue des bureaux (ou un photocopieur) offre un service. Ce service est le même pour l’entreprise prospère, celle qui vivote et celle qui perd de l’argent (mais en ce dernier cas, la relation risque de ne pas durer). Pourquoi pour un même service le loueur prendrait-il plus d’argent à un locataire qu’à un autre ?

Toutes ces entreprises cependant ont pour projet de gagner de l’argent. Celui qui loue du capital (autre ingrédient nécessaire au projet, comme des bureaux et des machines) n’a donc pas de raison de faire la charité. Il demande un loyer de son argent, loyer fixé à l’avance et qui est sa rémunération. Je ne vois pas ce qui est moralement répréhensible dans cette activité.

Si le loyer de l’argent est, disons, 8%, mais le taux de rentabilité de l’entreprise 20%, il est certain que l’entrepreneur préfèrera l’emprunt à l’intéressement du financier au bénéfice.
Mais n'oubliez pas cependant que l'argent que les banques prêtent ne leur appartient pas (et c'est ce qui rend si odieux à mes yeux l'intérêt bancaire) : soit il s'agit d'argent crée pour la cause, soit il s'agit de dépôt opéré chez elles. La condition d'existence d'une activité économique - tel le secteur bancaire - est d'être rentable. Dés lors qu'il est reconnu aux banques le droit d'être rémunérées pour leur prestation, il me semble erroné de prétendre qu'elle refuseront de prêter.
Les banques ne refuseront peut-être pas de prêter, c’est vous qui ne verrez aucun ‘intérêt’ dans tous les sens du mot, à y déposer votre épargne. La banque vous offre deux services, 1) trouver la meilleure rémunération pour votre argent sans que vous ayez à faire le tour de vos connaissances et les petites annonces pour trouver un emprunteur ; 2) la garantie de son propre crédit.

Rien ne vs interdit, bien sûr, de prêter vous même directement à des emprunteurs. Beaucoup le font, à des parents, amis, etc. Il ne m’appartient pas de défendre les banquiers, mais il me semble que le service de rémunérer votre épargne sans que vous ayez à trouver un emprunteur et avec une bonne garantie vaut une rémunération. Qu’elle soit sous forme de commissions ou de différentiel d’intérêt ne change pas grand chose, comme vs le faites remarquer à propos du système islamique.
Sur la comparaison entre prêt d'argent et la location d'un bien de consommation et qui est le nerf de votre raisonnement, il me semble que c'est exactement là que les théogiens bloquent. Pour eux, l'argent n'a pas de valeur par lui-même mais n'est qu'un symbole fiduciaire. Il faudrait réfléchir plus avant sur la nature de l'argent pour trancher.


L’argent n’est pas qu’un symbole. C’est une énergie.

C’est même une des énergies les plus importantes de notre temps. Il est peu de projet que nous puissions réaliser sans elle. Comme toutes les énergies, l'argent brûle les imprudents, ceux qui n’ont pas appris à le manier.

Louis Even est passé complètement à côté de cet aspect. Il ne voit dans l'argent qu'un moyen de règlement des échanges. C'est l'aspect le moins important. L’argument de l'Ile des Naufragés demande un développement séparé. Je vous le proposerai dans un message séparé.

Bien cordialement
Christian

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