Si je comprends bien, vous êtes contre le fait que l'Eglise gouverne les états terrestres. Et sur ce point, je ne peux qu'être d'accord avec vous.Booz a écrit : ↑mar. 24 sept. 2019, 9:41Comme je l'ai dit, je ne suis pas catholique, et je vois bien que vous l'êtes. Pas la même confession, mais nous lisons le même texte (quoique sans doute dans des traductions différentes).
Juste cette remarque : pour ce qui est du "règne social" du Christ, comme vous dites, la question n'est pas de savoir si c'est une idée en vogue ou pas, si c'est "archaïque" ou pas, ces considérations ne décidant pas de la vérité ou de la fausseté d'une idée. La question est de savoir, dans ce contexte, si la Bible annonce un Messie qui annonce un "roi" social ou non. Je crois que non. La foule, ainsi que la société dans son ensemble qui a condamné Jésus-Christ lors du procès, à déjà eu le choix entre deux personnalités : Jésus-Christ et Jésus-Barrabas, ce dernier étant un émeutier politique ayant causé des meurtres en provoquant une violence politique. Il y a fort à parier que ce Jésus-Barrabas, visiblement relativement connu du peuple, pouvait être assimilé à une sorte de résistant politique contre l'oppresseur, et il n'est pas impossible qu'il ait eu aux yeux de certaines fractions de la population une réputation de leader dans un combat pour la cause du peuple. Jésus-Barrabas est le double de Jésus-Christ, et cette alternative révèle les désirs réels des hommes : que désire-t-on, un sauveur terrestre/politique ou céleste/spirituel? Un Che Guevara ou un Messie qui soigne l'âme avant tout? La foule a choisi, bien que son choix soit grandement manipulé. Les disciples eux-mêmes, sur le chemin d'Emmaüs, par leur discussion, révèlent leur désir d'un sauveur politique et temporel qui les libérerait de l'oppression de l'occupant et supprimerait l'injustice politique (désir très humain et très louable par ailleurs). Mais Jésus leur dit explicitement : que vous êtes lent à comprendre et à croire... signifiant bien que le sens de sa venue n'est pas d'être un roi politique ou social (Jésus a d'ailleurs, dans sa vie, fuit la foule quand il a senti en elle un désir politique de salut terrestre, car il n'est pas un Che Guevara justement!).
Augustin, Père de l’Église et grand penseur de l'Occident chrétien, distinguait bien la Cité terrestre, fondé sur l'égoïsme et l'amour propre (la maladie du désir), de la Cité de Dieu ( le "Ciel" au sens évangélique du terme, fondé sur l'amour agapé), et à ma connaissance il dit bien qu'on ne peut, par des moyen politiques ou "théocratiques", faire descendre la Cité de Dieu sur terre pour conformer la Cité des hommes à l'agapé. Le réel est irréductible au Ciel, et il ne peut y avoir de "règne social" du Christ sur terre sans institutionnalisation de la violence politico-religieuse. Le Père de l’Église (un des plus "archaïque" qui soit, si on entend par là son ancienneté) lui même refuse ce projet politique, Père qui est, je suppose, reconnu par tous les papes quels qu'ils soient. Voilà pourquoi j'ai du mal croire que des papes aient souhaité un règne social et temporel du Christ. Mais je me trompe peut-être.
Par conséquent, il ne peut y avoir d’État chrétien, tant au niveau politique que moral, et cela n'apporterait à mes yeux aucun régne du Christ, mais un simulacre d'évangile qui sombrerait dans la violence et l'oppression des consciences. Le politique (Cité des hommes) prend l'homme tel qu'il est, et il est dans son essence de faire le deuil de l'amour, car il ne s'appuie pas sur les liens affectifs familiaux et il ne peut changer l'homme en profondeur. Le politique, c'est l'acte de décès de l'amour, et d'ailleurs Jésus est mort en partie pour des raisons politiques (cf. Caïphe, qui invoque la raison d’État : il vaut mieux qu'un seul homme meurt pour sauvegarder l'ordre et le peuple... raisons politico-religieuse classique). Je crois qu'un "État" où le Christ et l'agapé seraient "rois souverains" n'aurait d'ailleurs pas besoin de "politique" au sens où on entend ce mot. Tout ce que l'évangile peut apporter au politique, comme je le disais plus haut, c'est une lumière qui éclaire et une inspiration qui ravive un peu d'amour et essaie de l'insérer dans notre société, y compris dans certaines "lois sociales" par exemple, à condition que cette insertion, qui fait mémoire de l'amour oublié (crucifié, pour ainsi dire) par le politique, se fasse dans le respect de la raison laïque et sans imposer aucune foi aux concitoyens qui ont le droit de vivre comme ils entendent. C'est un modus vivendi bien imparfait, qui interdit une emprise politique de la religion, et ne permet qu'une très relative insertion du spirituel dans le temporel ayant pour but d'alléger un peu les lourdeurs du monde et de contribuer ainsi à l'utilité publique en définissant un bien commun acceptable la raison.
Vous êtes la lumière du monde et le sel de la terre... Éclairer n'est pas gouverner, et donner de la saveur n'est pas se mettre à la place du chef cuisinier. L'évangile n'a pas à rester un livre de chevet uniquement cantonné à la sphère privé, s'il nous permet de progresser vers le Bien Commun, mais il n'a pas non plus à prendre le trône à l'Elysée ou à Versailles, car là ce serait le bain de sang.
Comme disais le Cardinal Pie à Napoléon III:
Il est clair que pour l'Eglise, ce n'est pas aux clercs à gouverner les états, cela incombe aux politiques.« Sire, je ne sais si le moment est venu pour Jésus-Christ de régner, je ne suis pas un politique, vous êtes un politique ; je ne peux pas vous répondre, mais ce que je sais, c’est que si le moment n’est pas venu pour Jésus-Christ de régner, alors, le moment n’est pas venu pour les gouvernements de durer »
Donc, qu'entend-t-on pas règne social du Christ.
D'une part, le fait que l'état soit soumis au Christ et a ses enseignements, ce qui peut se traduire dans les faits par une reconnaissance du catholicisme comme religion d'état; à partir de là, aucune loi ne pourra être en opposition avec la doctrine et la morale catholique (et pas uniquement sur les sujets de bioéthique, mais aussi sur les sujets économiques, militaires, sociaux….). La religion catholique ne doit pas être considérée comme relevant du domaine du privé, mais bien du domaine public.
D'autre part, vous parliez de violence politico religieuse. Le fait d'établir le religion catholique comme religion d'état ne mènera pas forcement à un bain de sang: l'erreur (et donc les autres religions) n'ont dans l'absolu, aucun droit à l'existence. Mais la pratique de ces erreurs dans le cadre privé n'est pas du ressort de l'état qui n'interviendra pas dans la pratique de ces religions tant qu'elles resteront cantonnées au cercle privé: elles sont tolérées, comme le dicte la prudence.
Pour conclure, je dirai que le règne social du Christ repose en fait sur la soumission des états au christ et a ses enseignements.
Les papes se sont au contraire prononcés sur la royauté sociale du Christ (entre autres Pie XI avec son encyclique Quas Primas)
Cordialement.