L'omnipotence de Dieu et le paradoxe de la pierre

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mikesss
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L'omnipotence de Dieu et le paradoxe de la pierre

Message non lu par mikesss » mar. 02 mars 2021, 11:11

Bonjour à tous,

Suite à la lecture d'un article écrit par "La Tronche en biais" (personnage qui, soit dit en passant, m'a l'air d'être vraiment malhonnête intellectuellement, au vu de ses vidéos et écrits), article dans lequel il remettait sur le tapis, une fois de plus, l'impossibilité rationnelle de Dieu, j'ai réfléchi à la façon dont pourrait se résoudre le fameux paradoxe de la pierre ("Dieu pourrait-il créer une pierre si lourde que lui-même ne pourrait pas la soulever")
Et en fait, j'en suis arrivé à la conclusion que ce paradoxe n'en était pas un, mais plutôt un sophisme malhonnête (contrairement au paradoxe émis par St Thomas d'Aquin qui était le suivant: Dieu pourrait-il créer un triangle dont la somme des angles n'égale pas 180°)

La malhonnêteté du premier paradoxe est que, pour réussir à prouver qu'un Dieu omnipotent serait impossible, on tourne la question de façon à tromper l'interlocuteur. Contrairement à ce qu'on pourrait croire au premier abord, la question ne consiste pas à déterminer la véritable puissance de Dieu, mais plutôt d'opposer sa puissance à un supposée faiblesse.
Je m'explique: il y a 2 éléments dans cette phrase qui ne sont pas du même domaine: la première partie "est-ce que Dieu serait assez puissant pour créer" relève de la puissance de Dieu alors que la 2ème partie "une pierre que lui-même ne pourrait pas soulever" relèverai d'une supposée faiblesse de Dieu; si on reformule, ça pourrait donner une phrase du genre "est-ce que Dieu est assez puissant pour avoir une faiblesse", ce qui n'a aucun sens. Ou, pour prendre un exemple plus précis, est-ce qu'un tireur est suffisamment doué pour tirer à coté de la cible par erreur.

Bref, je trouve que l'intitulé du paradoxe est à la base erroné (volontairement ou non) et donc que l'utiliser pour soi-disant prouver l'absurdité de l'omnipotence de Dieu est au mieux absurde, au pire malhonnête.

Voilà, je voulais savoir ce que vous en pensiez.

Cordialement.

Carolus
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Re: L'omnipotence de Dieu et le paradoxe de la pierre

Message non lu par Carolus » mar. 02 mars 2021, 21:43

mikesss a écrit :
mar. 02 mars 2021, 11:11

Contrairement à ce qu'on pourrait croire au premier abord, la question ne consiste pas à déterminer la véritable puissance de Dieu, mais plutôt d'opposer sa puissance à une supposée faiblesse.
Vous avez raison, cher mikess. 👍

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Fleur de Lys
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Re: L'omnipotence de Dieu et le paradoxe de la pierre

Message non lu par Fleur de Lys » mer. 03 mars 2021, 8:57

Bonjour Mikesss

La question semble absurde. En effet un Dieu Tout Puissant peut-il se rendre faible?
Si Dieu ne peut se rendre faible... est-il impuissant car il échoue à se rendre faible? Mais c'est absurde. Est-ce un échec DE NE PAS RÉUSSIR?!

L'histoire du triangle est beaucoup plus interessante car notre définition du triangle nous empêche de penser l'affirmative. Mais cela est dû à notre vision étriquée. La géométrie ne se limite pas à la géométrie euclidienne.

Et puis... Notre Dieu Trinitaire n'a-t-il pas montré Sa Toute Puissance et sa possibilité de se faire Petit Enfant?

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Re: L'omnipotence de Dieu et le paradoxe de la pierre

Message non lu par Pèlerindu35 » mer. 03 mars 2021, 9:13

Bonjour Mikesss,

Je suis d'accord avec vous, La Tronche en Biais chantre de la zetetique, sous ses airs professoraux ne peut cacher le dégoût qu'il porte au catholicisme. Il suinte le mépris. L'archétype du scientiste :mal:

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Riou
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Re: L'omnipotence de Dieu et le paradoxe de la pierre

Message non lu par Riou » mer. 03 mars 2021, 11:10

Bonjour,

D'accord avec vous; cette tentative de "réfutation" est d'une grande faiblesse, et ce n'est pas surprenant venant de la secte des "zététiciens".
Ils posent la toute puissance de Dieu pour introduire dans son concept un élément de contradiction interne - un être infiniment tout puissant peut-il créer un être qui sera plus puissant que lui? Bref, ils se donnent les moyens de la "réfutation" au sein même de l'énoncé qu'ils inventent. Car la toute puissance infinie, si elle est infinie, ne peut poser un être "plus puissant/plus lourd" que lui, car il faudrait une quantité numérique (le poids de la pierre) plus grande que l'infini... Or, postuler a priori qu'une quantité numérique puisse être plus grande que l'infini est absurde. Mais ce n'est pas l'absurdité de la chose qui est ici démontrée, mais bien l'absurdité du discours porté sur la chose - ce que notre ami zététicien aura bien du mal à comprendre, car il s'agit de son propre discours, qu'il estime indiscutable et définitif, en bon sectaire qu'il est.
Sans compter que cet énoncé en dit long sur la pauvreté intellectuelle de la réflexion de ce monsieur : il assemble dans son énoncé des réalités hétérogènes, car il présuppose que Dieu est un corps physique matériel qui rentre en contact avec d'autres corps physiques matériels pour soulever une pierre - comme une pelleteuse peut soulever un corps physique très lourd. Or, le concept de Dieu, dans ce contexte, renvoie plutôt à un être invisible et immatériel (et pas à une pelleteuse!), un être spirituel mais créateur de la matière, sans être pour autant lui-même de la matière. On peut trouver cela difficile à avaler, mais c'est sur ce terrain que le problème se pose, ce que notre zététicien ne sait pas, visiblement.

Rien à voir avec la proposition de Saint Thomas d'Aquin, qui pose le problème de savoir si les choses sont vraies parce que Dieu les a voulues ainsi (l'essence du triangle), ou si c'est parce que les choses sont vraies que Dieu les a créées ainsi - question théologique classique qu'on retrouvera tout au long de la tradition. De même, Saint Thomas d'Aquin reprendra le dilemme d'Euthyphron : est-ce que les actes de justice sont justes parce Dieu les commande, ou est-ce que c'est parce que les actes justes sont justes en soi que Dieu les commande - dans le premier cas, la raison n'a pas accès à la justice en dehors des commandements divins, tandis que dans le second cas, la raison peut connaître la justice ou une partie de la justice sans les commandements révélés. Saint Thomas dira que c'est parce que l'essence de Dieu est d'être juste qu'il produit des choses justes, choses justes qui sont donc justes en soi.

Mais pour revenir à notre zététicien sectaire, son exemple est symptomatique : il se figure la toute-puissance de Dieu comme une force au sens matériel et mondain du terme, en quoi il montre à quel point il est immergé dans le réel tel qu'il est, sans aucun recul sur celui-ci. Car, le christianisme affirme, sur son propre terrain, une réalité qui est au-delà de la raison et qui nécessite la révélation pour être appréhendée : Dieu s'incarne dans la plus faible des créatures, il se dépouille de lui-même par amour pour se rendre visible dans une chair (et non pas un corps physique lambda), et tout le poids du monde pèse sur lui sur la croix. La toute puissance de Dieu est amour, et non pas force physique brutale analogue à une pelleteuse, et cet amour va jusqu'au don de soi : il renonce à être tout pour laisser être ses créatures librement, quitte à subir l'humiliation d'une mort atroce, moquée par le genre humain. Le Christ refusera de prendre l'épée pour faire rayonner son évangile (ce que Pierre ne comprenait pas tout à fait au moment où il sort l'épée). Ainsi Dieu ne tombe pas sur plus fort que lui, mais c'est tout simplement qu'il refuse de jouer le jeu de la force et de la violence, car la puissance de l'amour est supérieure à ça. Mais cela, j'en conviens, implique la foi dans la révélation, et pas simplement la réflexion conceptuelle et métaphysique. Car c'est au-delà de la raison, qui est incapable de déduire par ses seules forces un tel processus.

D'une manière plus générale, il ne faut pas prêter beaucoup d'attention aux "zététiciens" : ce sont des gens qui ne maîtrisent pas le sens de leur propre affirmations. En effet, ils se réclament du scepticisme, tout en s'affirmant rationaliste et partisan de la science contre toutes les croyances. Or, pour qui connaît un peu le sens de ces concepts, le scepticisme est une réflexion de la raison sur elle-même qui conclut rationnellement que la raison ne peut pas connaître le réel, car elle s'empêtre dans des contradictions insolubles et des présupposés "dogmatiques" (c'est le mot des sceptiques). Ainsi, pour un sceptique authentique, la science elle-même, malgré ses efforts louables pour rechercher la vérité, repose sur des croyances injustifiables. Ce n'est pas pour autant un rejet de la science, mais plutôt une lucidité sur la constitution de la science et l'impuissance de la raison. A l'inverse, le rationalisme, quant à lui, affirme que la raison peut connaître la structure du réel, ou une partie de la structure du réel (avec des variantes selon les rationalismes étudiés, certes). Autrement dit, pour un sceptique, le rationalisme est un dogmatisme aveugle qui repose sur une ignorance des capacités de la raison humaine - selon un sceptique, le rationalisme classique est irrationnel sur bien des points, à commencer par lui-même.
Par conséquent, quand un sceptique qui revêt le nom pompeux et creux de "zététicien" se réclame du "rationalisme" et de la "science" contre toutes les croyances "obscurantistes", il déclare quelque chose de contradictoire, et la manière dont il se définit est déjà le symptôme de sa propre ignorance.
Comme le dit plus haut Pélerin, les zététiciens, dans leur grande majorité, sont des scientistes qui sombrent dans l'obscurantisme de jour en jour. Ce sont des idéologues, des militants et des influenceurs sur le net, et leur démarche n'a rien de scientifique ou de sceptique. Leur activité préférée est de traquer les "fake news" et de rétablir les "vrais faits" - un peu comme les journalistes du Monde, qui finira bien par les embaucher un jour. Leur "culture" est largement anglo-saxonne, et leur athéisme revient sans cesse sur l'argument bidon de la théière invisible de Russel (argument que Russel lui-même n'estimait pas décisif, loin de là), dans l'ignorance de toute l'histoire des idées - bref, ils croient avoir inventé l'eau chaude, et ils se vautrent dans les préjugés les plus clichés.

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prodigal
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Re: L'omnipotence de Dieu et le paradoxe de la pierre

Message non lu par prodigal » mer. 03 mars 2021, 12:21

Si l'on prend au sérieux le problème logique ici posé, on voit qu'il se ramène à une application d'une question plus générale, formant dilemme : un être tout-puissant est-il capable de se rendre impuissant?
Si oui, alors il n'est plus tout-puissant. Sinon, alors il ne peut pas tout et n'est donc pas tout-puissant.
Cependant, la première branche de cette alternative peut s'envisager tout autrement.
Posons donc par hypothèse que Dieu puisse, étant tout-puissant, se rendre impuissant.
Rien n'empêche de penser en effet que l'être tout-puissant puisse s'abaisser, jusqu'au néant de la mort sur la croix par exemple, sans que sa toute-puissance en soit amenée à disparaître, mais au contraire à resplendir dans la joie de la résurrection. Ou bien l'on admet que la toute-puissance de Dieu va jusque là, ou bien l'on court le risque de limiter cette toute-puissance à ce que notre pauvre imagination est capable de s'en représenter.
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Re: L'omnipotence de Dieu et le paradoxe de la pierre

Message non lu par Altior » mer. 03 mars 2021, 14:43

mikesss a écrit :
mar. 02 mars 2021, 11:11

Je m'explique: il y a 2 éléments dans cette phrase qui ne sont pas du même domaine: la première partie "est-ce que Dieu serait assez puissant pour créer" relève de la puissance de Dieu alors que la 2ème partie "une pierre que lui-même ne pourrait pas soulever" relèverai d'une supposée faiblesse de Dieu; si on reformule, ça pourrait donner une phrase du genre "est-ce que Dieu est assez puissant pour avoir une faiblesse", ce qui n'a aucun sens. (...)
Voilà, je voulais savoir ce que vous en pensiez.
C'est exactement ça. C'est un joli sophisme.
Mais le plus joli sophisme que j'ai jamais entendu n'est pas celui-ci. On raconte que, il y a très, très longtemps, à Athènes vivait un maître des sophismes. Il s'appellait Zénon. Il était devenu célèbre, de façon que des jeunes de toute la Grèce venaient pour fréquenter son école. Parmi eux il y avait aussi un certain Protagoras, un jeune très doué. Le maître aurait bien voulu de le prendre en apprantissage. Mais une formation en sophismes avec Zenon coûtait très cher et il arrivat que, malheureusement, le jeune Protagoras n'avait pas une bourse assez large pour se permettre les frais. Et alors, maître et disciple tombèrent d'accord: Protagoras va aquitter l'honoraire dû au maître dès qu'il va gagner son premier procès. Effectivement, le jeune confirme les attentes de Zenon et le voilà achever de manière brillante ses études.
Pourtant, il ne veut prendre aucun procès. La carrière d'avocat ne l'intéressait pas. Lui, il voulait simplement arriver à maîtriser l'art de Zenon. Voyant que le temps passe et qu'il n'est pas rétribué pour ses efforts, Zenon dépose plainte. Mais Protagoras se défend magistralement, en disant aux juges: «Si je vais perdre ce procès, alors je ne dois rien à mon ancien maître, car l'entente fut de payer lorsque je gagnerai un procès, pas lorsque je le perdrai. Par contre, si je vais gagner ce procès, alors là encore je ne dois rien à Zenon, car personne ne peut se ruiner suite au fait qu'il a gagné un procès». Cette défense a provoqué l'admiration du public qui voyait bien que cet élève astucieux n'a pas perdu son temps auprès de Zénon. Alors, le maître se leva et prit la parole: «Cela va dans les deux sens! Si Protagoras gagne ce procès, alors, parce qu'il s'agit de son premier procès gagné, il doit payer ses classes selon notre entente. Par contre, s'il predra, c'est que moi je l'aurais gagné et alors j'attends que je sois dédomagé comme je l'ai prétendu dans ma plainte!».
Bon, on raconte qu'à Athènes les juges sont encore en plein débat pour trouver une solution à ce dilemme.

Maintenat, revenant au paradoxe de la pierre, si on essaye de dépasser un peu le raisonnement circulaire de ce sophisme, la réponse ne peut être que négative: non, Dieu ne peut pas faire une pierre si lourde qu'il ne la puisse pas lever. Chose qui ne nie pas sa toute-puissance. Une voiture est puissante si elle peut rouler en tenant bien à grande vitesse. Une voiture qui peut rouler à 200 km par heure est plus puissante qu'une voiture qui peut rouler seulement à 100 mk par heure. Puis, si j'avais une voiture qui puisse rouler à 300 km à l'heure je dirais qu'il s'agit d'une voiture surpuissante. Alors, quand on pourrait dire qu'une voiture est omnipuissante ? Je pense que lorsqu'il s'agissait d'une voiture qui puisse rouler à la vitesse de la lumière si elle pourrait atrapper cette vitesse dans un instant. Par contre, on ne peut pas dire d'une voiture qu'elle est impuissante parce qu'elle ne peut pas nager. Ou voler. Car ni la nage, ni le vol ne sont pas des caractèreistiques d'une voiture. Ceux-là ne sont pas dans sa nature.
En synthétisant: la perfection d'un attribut est corrélative à la nature de l'existence dont on parle.
Dieu ne peut pas faire des choses contraires à sa nature. Il ne peut pas être méchant, parce que sa nature est d'être bon. Il ne peut pas être injuste et ainsi de suite, choses qui ne limitent pas sa toutepuissance.

D'un autre point de vue, Dieu ne peut pas faire des choses ayant des attributs contraires à leur nature. La nature de toute existence inanimée (=depourvue d'âme immortelle) est d'être assujétie à la puissance de Dieu.

Donc, j'ai deux raisons pour affirmer que Dieu ne peut pas faire une pierre qu'il ne puisse pas lever: 1) cela serait contraire à la nature de Dieu ; 2) cela serait contraire à la nature de a pierre.

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Re: L'omnipotence de Dieu et le paradoxe de la pierre

Message non lu par mikesss » mer. 03 mars 2021, 14:52

Pèlerindu35 a écrit :
mer. 03 mars 2021, 9:13
Bonjour Mikesss,

Je suis d'accord avec vous, La Tronche en Biais chantre de la zetetique, sous ses airs professoraux ne peut cacher le dégoût qu'il porte au catholicisme. Il suinte le mépris. L'archétype du scientiste :mal:
Bonjour Pèlerin35, oui, j'avais déjà pu remarquer la condescendance de ce personnage, ce qui est rarement gage de qualité d'intervention. Mais ce qui me gène le plus dans ses vidéos et son blog, ce n'est pas le fait qu'il raconte des âneries( il est loin d'être le seul sur internet), c'est de voir avec quel empressement son auditoire avale ses raisonnements foireux, et qui plus est, l'acclament pour ça...

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Re: L'omnipotence de Dieu et le paradoxe de la pierre

Message non lu par mikesss » mer. 03 mars 2021, 14:58

prodigal a écrit :
mer. 03 mars 2021, 12:21
Si l'on prend au sérieux le problème logique ici posé, on voit qu'il se ramène à une application d'une question plus générale, formant dilemme : un être tout-puissant est-il capable de se rendre impuissant?
Si oui, alors il n'est plus tout-puissant. Sinon, alors il ne peut pas tout et n'est donc pas tout-puissant.
Cependant, la première branche de cette alternative peut s'envisager tout autrement.
Posons donc par hypothèse que Dieu puisse, étant tout-puissant, se rendre impuissant.
Rien n'empêche de penser en effet que l'être tout-puissant puisse s'abaisser, jusqu'au néant de la mort sur la croix par exemple, sans que sa toute-puissance en soit amenée à disparaître, mais au contraire à resplendir dans la joie de la résurrection. Ou bien l'on admet que la toute-puissance de Dieu va jusque là, ou bien l'on court le risque de limiter cette toute-puissance à ce que notre pauvre imagination est capable de s'en représenter.
Bonjour Prodigal,

Effectivement, on peut aborder le problème sous cet angle, qui est déjà un peu plus intéressant, et surtout, bien moins malhonnête que le paradoxe que j'avais cité.
Il n'en reste pas moins que pour moi, on a là encore un faux problème: les pères de l'Eglise ont montré (il faudrait que je retrouve ou) que l'omnipotence de Dieu était une nécessité chez Dieu, c'est un de ses attributs divins et que si on enlève un attribut à Dieu, il ne serait plus Dieu. A partir de là, le problème est: est-ce que Dieu est assez puissant pour ne plus être Dieu; on voit, là encore, que le problème est absurde.

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Re: L'omnipotence de Dieu et le paradoxe de la pierre

Message non lu par mikesss » mer. 03 mars 2021, 15:02

Altior a écrit :
mer. 03 mars 2021, 14:43
mikesss a écrit :
mar. 02 mars 2021, 11:11

Je m'explique: il y a 2 éléments dans cette phrase qui ne sont pas du même domaine: la première partie "est-ce que Dieu serait assez puissant pour créer" relève de la puissance de Dieu alors que la 2ème partie "une pierre que lui-même ne pourrait pas soulever" relèverai d'une supposée faiblesse de Dieu; si on reformule, ça pourrait donner une phrase du genre "est-ce que Dieu est assez puissant pour avoir une faiblesse", ce qui n'a aucun sens. (...)
Voilà, je voulais savoir ce que vous en pensiez.
C'est exactement ça. C'est un joli sophisme.
Mais le plus joli sophisme que j'ai jamais entendu n'est pas celui-ci. On raconte que, il y a très, très longtemps, à Athènes vivait un maître des sophismes. Il s'appellait Zénon. Il était devenu célèbre, de façon que des jeunes de toute la Grèce venaient pour fréquenter son école. Parmi eux il y avait aussi un certain Protagoras, un jeune très doué. Le maître aurait bien voulu de le prendre en apprantissage. Mais une formation en sophismes avec Zenon coûtait très cher et il arrivat que, malheureusement, le jeune Protagoras n'avait pas une bourse assez large pour se permettre les frais. Et alors, maître et disciple tombèrent d'accord: Protagoras va aquitter l'honoraire dû au maître dès qu'il va gagner son premier procès. Effectivement, le jeune confirme les attentes de Zenon et le voilà achever de manière brillante ses études.
Pourtant, il ne veut prendre aucun procès. La carrière d'avocat ne l'intéressait pas. Lui, il voulait simplement arriver à maîtriser l'art de Zenon. Voyant que le temps passe et qu'il n'est pas rétribué pour ses efforts, Zenon dépose plainte. Mais Protagoras se défend magistralement, en disant aux juges: «Si je vais perdre ce procès, alors je ne dois rien à mon ancien maître, car l'entente fut de payer lorsque je gagnerai un procès, pas lorsque je le perdrai. Par contre, si je vais gagner ce procès, alors là encore je ne dois rien à Zenon, car personne ne peut se ruiner suite au fait qu'il a gagné un procès». Cette défense a provoqué l'admiration du public qui voyait bien que cet élève astucieux n'a pas perdu son temps auprès de Zénon. Alors, le maître se leva et prit la parole: «Cela va dans les deux sens! Si Protagoras gagne ce procès, alors, parce qu'il s'agit de son premier procès gagné, il doit payer ses classes selon notre entente. Par contre, s'il predra, c'est que moi je l'aurais gagné et alors j'attends que je sois dédomagé comme je l'ai prétendu dans ma plainte!».
Bon, on raconte qu'à Athènes les juges sont encore en plein débat pour trouver une solution à ce dilemme.

Maintenat, revenant au paradoxe de la pierre, si on essaye de dépasser un peu le raisonnement circulaire de ce sophisme, la réponse ne peut être que négative: non, Dieu ne peut pas faire une pierre si lourde qu'il ne la puisse pas lever. Chose qui ne nie pas sa toute-puissance. Une voiture est puissante si elle peut rouler en tenant bien à grande vitesse. Une voiture qui peut rouler à 200 km par heure est plus puissante qu'une voiture qui peut rouler seulement à 100 mk par heure. Puis, si j'avais une voiture qui puisse rouler à 300 km à l'heure je dirais qu'il s'agit d'une voiture surpuissante. Alors, quand on pourrait dire qu'une voiture est omnipuissante ? Je pense que lorsqu'il s'agissait d'une voiture qui puisse rouler à la vitesse de la lumière si elle pourrait atrapper cette vitesse dans un instant. Par contre, on ne peut pas dire d'une voiture qu'elle est impuissante parce qu'elle ne peut pas nager. Ou voler. Car ni la nage, ni le vol ne sont pas des caractèreistiques d'une voiture. Ceux-là ne sont pas dans sa nature.
En synthétisant: la perfection d'un attribut est corrélative à la nature de l'existence dont on parle.
Dieu ne peut pas faire des choses contraires à sa nature. Il ne peut pas être méchant, parce que sa nature est d'être bon. Il ne peut pas être injuste et ainsi de suite, choses qui ne limitent pas sa toutepuissance.

D'un autre point de vue, Dieu ne peut pas faire des choses ayant des attributs contraires à leur nature. La nature de toute existence inanimée (=depourvue d'âme immortelle) est d'être assujétie à la puissance de Dieu.

Donc, j'ai deux raisons pour affirmer que Dieu ne peut pas faire une pierre qu'il ne puisse pas lever: 1) cela serait contraire à la nature de Dieu ; 2) cela serait contraire à la nature de a pierre.
BOnjour Altior,

Merci de votre réponse, ça rejoint ce que je disais à Prodigal, l'omnipotence fait partie de la nature de Dieu... il ne peut donc pas la perdre car ce serait absurde.
D'ailleurs, ça rejoint un autre soi-disant paradoxe qui est de demander Dieu pourrait-il créer un autre dieu? Question là aussi absurde, puisque par définition, ce supposé dieu serait une créature et donc aurait au moins cet attribut de Dieu lui manquant: être non créé et éternel.

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Re: L'omnipotence de Dieu et le paradoxe de la pierre

Message non lu par Le juge terrible » mer. 03 mars 2021, 20:42

Dieu pourrait-il créer une pierre si lourde que lui-même ne pourrait pas la soulever
Je vais essayer de raisonner à partir de ce postulat. Je reviens à la parole de la Bible : "Si vous avez la foi, vous serez capable de transporter des montagnes". Tout est possible avec la foi en Dieu. Combien plus Dieu est capable de tout. Donc sans équivoque, la réponse à cette question est non. Comme dit plus haut, Dieu ne peut pas faire en sorte de changer sa nature, la toute puissance. Tout ce qui rendrait impuissant Dieu est à proscrire, et ne sera jamais sa création, donc n'existera jamais. Il est tout puissant et par sa nature ne peut créer quelque chose qui le rendrait impuissant. Ca ne peut exister. On peut éventuellement aussi parler du mystère de la Trinité. Dieu en trois personnes distinctes. La toute puissance n'est valable qu'en la communion de ces trois personnes. La réponse pourrait donc être également oui si cette pierre faisait partie de la Trinité.
La réponse, pour moi à cette question, est oui et non à la fois. De quoi poser une sacré colle à notre "zététique", ce qui est la meilleure réponse pour moi face à ces chercheurs de vérités. :)

PS : j'ai l'impression que j'ai déplacé une montagne :clown:

Carolus
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Re: L'omnipotence de Dieu et le paradoxe de la pierre

Message non lu par Carolus » mer. 03 mars 2021, 22:43

mikesss a écrit :
mar. 02 mars 2021, 11:11
[…] , j'ai réfléchi à la façon dont pourrait se résoudre le fameux paradoxe de la pierre ("Dieu pourrait-il créer une pierre si lourde que lui-même ne pourrait pas la soulever")
Et en fait, j'en suis arrivé à la conclusion que ce paradoxe n'en était pas un, mais plutôt un sophisme malhonnête […]
En effet, il s’agit d’un faux dilemme, cher mikess. :oui:
Une des versions du paradoxe de la toute-puissance, dite « paradoxe de la pierre », l'exprime de la façon suivante : « Un être tout-puissant pourrait-il créer une pierre si lourde qu'il ne puisse pas lui-même la porter ? ». S'il le peut, il cesserait d'être tout-puissant ; s'il ne le peut pas, c'est qu'il n'est pas tout-puissant.

Paradoxe de la toute-puissance
Dans ce paradoxe, il n’y a que deux critères pour déterminer la toute-puissance de Dieu :
  • Sa capacité de créer une pierre infiniment lourde
  • Sa capacité de soulever une pierre infiniment lourde
Les deux critères ci-dessus ne sont pas contradictoires. Le faux dilemme existe car ce paradoxe veut créer des limites qui n’existent pas.

Un Dieu tout-puissant peut créer une pierre de n’importe quelle dimension et également soulever une pierre de n’importe quel poids.

Pour un Dieu tout-puissant, il n’y a pas de limites. 🙏

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Re: L'omnipotence de Dieu et le paradoxe de la pierre

Message non lu par Le juge terrible » mer. 03 mars 2021, 23:13

Carolus a écrit :
mer. 03 mars 2021, 22:43
Une des versions du paradoxe de la toute-puissance, dite « paradoxe de la pierre », l'exprime de la façon suivante : « Un être tout-puissant pourrait-il créer une pierre si lourde qu'il ne puisse pas lui-même la porter ? ». S'il le peut, il cesserait d'être tout-puissant ; s'il ne le peut pas, c'est qu'il n'est pas tout-puissant.
Je crois avoir résolu ce paradoxe par les mathématiques. Que la réponse soit oui ou non, on tombe sur la conclusion que Dieu n'est pas Tout-Puissant. En mathématiques, l'intersection de deux négatifs est toujours positif. Donc pour tomber sur la conclusion de Toute Puissance de Dieu, il faut obligatoirement la réponse oui et non. La vraie réponse à cette question est donc oui et non, pour résoudre ce paradoxe. C'est même prouvé mathématiquement.

Vous pouvez me remercier pour ma capacité à avoir résolu ce paradoxe ! :clown:

Carolus
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Re: L'omnipotence de Dieu et le paradoxe de la pierre

Message non lu par Carolus » mer. 03 mars 2021, 23:52

Le juge terrible a écrit :
mer. 03 mars 2021, 23:13
Une des versions du paradoxe de la toute-puissance, dite « paradoxe de la pierre », l'exprime de la façon suivante : « Un être tout-puissant pourrait-il créer une pierre si lourde qu'il ne puisse pas lui-même la porter ? ». S'il le peut, il cesserait d'être tout-puissant ; s'il ne le peut pas, c'est qu'il n'est pas tout-puissant.

Paradoxe de la toute-puissance
[…] Que la réponse soit oui ou non, on tombe sur la conclusion que Dieu n'est pas Tout-Puissant.
Effectivement, cher Juge. :(

Malheureusement, il s’agit d’un faux dilemme (raisonnement fallacieux) et non d’un véritable paradoxe.

Un Dieu tout-puissant peut créer une pierre de n’importe quelle dimension et également soulever une pierre de n’importe quel poids.

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Le juge terrible
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Re: L'omnipotence de Dieu et le paradoxe de la pierre

Message non lu par Le juge terrible » jeu. 04 mars 2021, 0:15

Dieu pourrait-il créer un triangle dont la somme des angles n'égale pas 180°
Le paradoxe de Saint Thomas d'Aquin est pour moi beaucoup plus simple, je dis avec conviction la réponse oui pour la même raison que les miracles de Jésus décrits dans l'Evangile violant les lois de la Nature. Rien n'est impossible à Dieu.

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