Le libre-arbitre ?
M'interrogeant de nouveau sur ce sujet inépuisable, je me demandais s'il est tout à fait juste de parler de libre-arbitre en tant que volonté libre lorsque celle-ci s'oriente dans le péché, dans le refus de Dieu ?
Est-il tout à fait juste de penser que le libre-arbitre est la faculté à pouvoir se déterminer ?
Est-il tout à fait juste de penser que le libre-arbitre est la faculté de choisir pour ou contre, de choisir entre des contraires ?
Je butais de nouveau sur cette question en lisant un document qui faisait ressortir qu'il était nécessaire pour que la liberté soit sauve qu'il faille pouvoir refuser Dieu.
Pourquoi
Je relisais un article dont je me souvenais sur la question du libre-arbitre dans le lien suivant :
https://www.cairn.info/revue-l-enseigne ... page-5.htm
On y lit :
"La proposition qui va s’avérer litigieuse, c’est celle que Descartes énonce en soutenant que, pour que je sois libre, il suffit que j’aie le libre arbitre ; il n’est pas nécessaire que, de surcroît, je puisse toujours user de la puissance de me porter au contraire de ce à quoi je me porte. Deux choses sont à noter : 1) cette puissance appartient toujours constitutivement au libre arbitre (puisque c’est la puissance de l’arbitre), cette puissance est dans le libre arbitre, quelque usage qu’on fasse du libre arbitre, et que sa liberté soit favorisée ou défavorisée ; 2) mais l’usage de cette puissance n’est pas requis par le libre arbitre, et même la suppression de l’usage de cette puissance est requise par le plus haut degré de la liberté du libre arbitre."
Le problème qui m'apparaît ici est encore une fois parmis tant d'autres de confondre l'être et le péché, la liberté et le péché. Qu'il y ait une puissance en l'homme qui rende les contraires possibles est un fait mais elle résulte davantage de la condition créé/finie, de ce lien au chaos auquel l'homme demeure sensible.
Cette puissance de se porter au contraire n'est pas constitutive de la liberté mais du créé, de la finitude.
D'ailleurs, je commence à avoir beaucoup de difficultés avec le terme "libre-arbitre" auquel je préfère "volonté libre".
Nous ne déterminons pas, nous ne décidons pas de ce qui est bien ou mal, ce qui est vrai. Ce qui fait le bien et le mal, la vérité ne dépend pas de nous.
Il nous appartient juste de le découvrir, de le saisir.
Déterminer dans le sens de découvrir ce qui est, oui. Déterminer dans le sens de nous poser en principe, en Dieu et maître, non.
Et pour véritablement reconnaître la Vérité, il faut expérimenter, grandir en connaissance, et très souvent chuter.
On pourrait dire que oui, on a un libre-arbitre mais qui m'apparaît avant tout être
une faculté, un "outil" d'apprentissage, de maturation, de progression lié à la finitude, aux limites humaines. Une faculté d'expérimentation vers la connaissance de la vérité, du bien et du mal, mais aussi vers la découverte de soi, afin que ceux-ci saisis nous parvenions à la liberté.
Celui qui est dans la Vérité n'a pas besoin de libre-arbitre puisqu'il Sait.
J'aurais envie de dire que
tant que nous sommes dans l'exercice d'un libre-arbitre c'est que nous ne sommes pas libre. Mais une fois dans la liberté, cela ne signifie pas que nous n'avons plus de volonté. Bien au contraire car nous avons une volonté libérée du tiraillement des contraire, libérée de l'incertitude, de l'inconnaissance constitutive du libre-arbitre.
"Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira" (Jean 8:32)
Cette volonté libre, davantage que de faire des choix (libre-arbitre) va surtout pouvoir s'exprimer pleinement, exprimer qui elle est, ce qu'elle a en elle.
Les choix se font tant que demeure l'ignorance, comme un tâtonnement vers la Vérité, un tâtonnement vers soi. Certainement le libre-arbitre vise à atteindre la liberté, l'accomplissement, l'être, être (être qui je suis en vérité). Il vise à trouver Dieu et trouvant Dieu à se trouver soi-même, à s'habiter pleinement, à être unifié en étant uni à Dieu notre vie.
La division, le péché demeure tant que demeure cette ignorance, cette confusion en nous. Mais nous trouvant en Dieu nous pouvons alors entrer pleinement dans notre moi véritable, dans notre accomplissement, dans la liberté, dans l'être qui ne nécessite plus les errements du libre-arbitre.
Parce que nous sommes autre en tant que créé, nous sommes et d'une volonté distincte de Dieu, et des êtres finis.
C'est comme si dans cette phase d' "enfantement", nous recevions l'être de Dieu mais tout en étant encore "au contact" du néant dont nous sommes tirés, et qu'il nous fallait désormais entrer entièrement en Dieu, entièrement dans l'être, revêtir intégralement qui nous sommes en Dieu, nous accomplir, pour laisser ce néant originel derrière nous. Quelque chose de la déification de la créature humaine.
Mais ce chemin est douloureux, tortueux, tâtonnant, et produit de nouveau du chaos. Chaos, chemin tortueux que Dieu assume à la Croix.
Dieu respectant la liberté, respectant ce cheminement personnel en ne contraignant pas mais en usant de patience. Comme voulant/désirant que l'homme fasse sa part de chemin, que celui-ci reconnaisse Dieu et le trouvant se trouve lui-même, se connaisse. Comme la mère et le nouveau-né se reconnaissant, se contemplant, étant unis dans l'amour et la reconnaissance.
Cette approche permet de justifier pourquoi Dieu et les bienheureux jouissent d'une parfaite liberté bien que ne pouvant pas/plus pécher. Cela explique aussi pourquoi la Croix, pourquoi la lutte contre le péché. Cela n'aurait aucun sens si le péché était l'expression de la liberté bonne...
La liberté en son essence consiste-t-elle à pouvoir accepter/refuser ou plutôt à pouvoir exprimer, déployer ?
Si le refus est nécessaire alors le péché en sa nécessaire possibilité devient un bien !?...
Si la liberté nécessitait la possibilité du refus alors cela accorderait au péché une valeur, en ferait donc un bien...
Si le refus était une puissance du libre-arbitre alors cela serait intrinsèque au libre-arbitre et celui-ci étant don de Dieu alors ce serait comme dire que Dieu accorde une valeur au péché/refus. Il ne chercherait donc ni à le combattre ni à le vaincre.
Supposer le libre-arbitre comme faculté de pouvoir choisir le bien ou le mal revient à accorder une consistance, une valeur au mal.
Presque comme une approche manichéenne avec le mal face au bien, des contraires sur le même plan, sur le même pied d'égalité.