Bonsoir à tous,
Je reviens juste au passage pour répondre à deux ou trois points supplémentaires, à l'attention de Pakete qui a eu le courage, quoiqu'on dise, de venir affronter notre mur. C'est vrai qu'à sa place je ne m'y serai peut-être pas risqué. Bref... A ce propos Pakete vous dites :
Pakete a écrit :je vous souhaite tout de même bon courage, parce que votre "mur" fuit de partout
Vous avez raison, et c'est tout l'intérêt de mon discours : il n'est pas là pour convaincre des personnes impossible à convaincre, ni pour parler avec des gens déjà convaincus. Son but, très modeste, c'est uniquement de venir souffler un peu sur les braises. Ainsi le mur peut se renforcer, et quand il est fort, il peut mieux faire front face à l'esprit du monde. Je n'ai pas la prétention à moi tout seul de renforcer tout le mur catholique, mais si je peux juste renforcer une ou deux briques de plus, ça aura servi à quelque chose.
Je fais une parenthèse sur cette histoire de convaincre ou pas, et vous allez alors comprendre tout l'intérêt de ce que vous trouvez impertinent. Débattre c'est un exercice qui fait appel à la raison, au dialogue, à la patience, au respect... bref à tout un tas de qualité. Mais l'usage de la raison, aussi affuté qu'elle soit, ne suffit pas à convaincre. Il y a qu'à en faire l'expérience sur n'importe quel forum : prenez un sujet très sensible, mettez deux personnes à débattre dessus. Même si l'une d'elle fini par tenir le raisonnement de son interlocuteur en échec, vous pouvez parier que dans un grand nombre de cas, l'interlocuteur se retirera du débat mais ne changera pas d'avis. Il retiendra juste qu'il a perdu une bataille, mais gardera en tête que ce n'était pas la guerre. Dans sa tête il lui suffira de chercher ou d'attendre les bons arguments. Ceci montre, et on ne le sait que trop bien, que ce n'est pas la raison qui gouverne en nos consciences. Pourquoi je vous dis ça ? Pour vous expliquer l'intérêt du discours sur la Shoah.
De même qu'on ne convainc pas un opposant uniquement sur un discours rationnel, de même il ne sert à rien de souffler sur les braises uniquement avec des arguments rationnels. C'est la base mais ce n'est pas suffisant. Pour témoigner de mon expérience, pendant des années j'ai été convaincu que l'avortement était un meurtre sans que cela ne me touche plus que ça de savoir que c'était pratique courante. Je voyais ça évidemment comme une profonde erreur de notre époque, de notre société, mais pour le reste, tous ces avortements n'étaient qu'un chiffre. Puis petit à petit, et par sauts successifs, ce scandale est descendu dans mes tripes : comme si je voyais les meurtres se commettre devant moi, il m'arrive d'en rêver la nuit.
Etes-vous particulièrement ému quand on vous raconte un fait divers tragique ? Et quelle comparaison si ce fait divers s'était passé dans votre famille ou parmi vos proches ? Je l'explique probablement très mal, mais je tente de signifier la différence entre une "opinion" contre l'avortement, et un rejet viscéral de cette abomination. Lutter contre l'avortement cela ne peut pas se faire seulement avec des opinions "contre". Lutter contre l'avortement cela suppose, en tout cas pour moi, une prise de conscience au plus profond de soi-même de l'abomination que cela constitue, jusqu'à en éprouver le plus profond dégout, à la hauteur de ce que c'est vraiment : le crime licite de millions d'êtres humains innocents.
Voilà la "pertinence" du discours sur les nazis et sur la Shoah. C'est un thème cher à l'émotion des français, un thème qui provoque systématiquement l'indignation. Je souhaite, sur la base d'une comparaison tout ce qu'il y a de plus honnête au regard des données rationnelles (chiffres et causes), que la question de l'avortement provoque la même indignation, comme se justifie le fait que le crime soit d'égale ampleur, sinon supérieure. Je crois, sans vouloir aller trop loin, que c'est un crime qui devrait justifier la même résistance courageuse et martyre que la résistance qui s'est mise en place sous l'occupation nazie. Le crime et le système qui le cautionne le justifient. Je n'en suis pas encore là, peut-être par manque de courage, peut-être par manque de certitude aussi sur la nature des actes à poser. Alors pour l'instant je me contente de chercher à "prendre la parole" là où elle peut porter du fruit.
Je conçois que pour vous, Pakete, tout cela semble complètement décalé du moment que vous ne considérez pas un foetus comme un être humain. Mais je pense que si pendant deux secondes vous vous mettez à la place de quelqu'un considérant un foetus comme un être humain à part entière, vous mesurerez, au-delà de toute notion de débat, d'argument ou de raisonnement, l'ampleur du dégout, un dégout d'une telle violence qu'il déchire les entrailles à la seule pensée de ces 50 millions d'enfants assassinés en toute légalité chaque année (au fait, en rapport à l'une de vos remarques : ce n'est pas un chiffre fictif, ce sont les statistiques de ces dernières années), et de tous ceux qui sont encore à venir sans qu'on puisse rien empêcher de ce massacre.
Chaque jour qui passe je me demande pourquoi je vais au travail au lieu de faire quelque chose pour empêcher tout ça. Voilà pourquoi dans ce discours, les arguments comptent, mais le choc émotionnel est au moins d'égal importance. Quiconque a fait un peu de psychologie vous expliquera qu'entre la pensée et l'acte il y a un fossé. Le passage à l'acte transforme une personne a posteriori, mais demande une énergie a priori que la raison seule ne peut apporter, dans la majorité des cas.
Voilà ce sur quoi je voulais revenir en particulier.
Ah si, juste une dernière remarque. Vous dites :
Pakete a écrit :Aucun planning familial ni organisation quelconque n'a considéré l'IVG comme un moyen de contraception. Mais comme un dernier recours qui intervient après la conception. D'où tenez vous une telle affirmation ?
Je sais bien ce que disent les planning familiaux, et je sais aussi ce que dit la loi française (voir dans ce fil, Virgile nous a cité l'article de loi). Mais je sais aussi que dans les statistiques des planning familiaux il y a des femmes spécialistes des avortements à répétition. Et je connais aussi trop bien l'usage du RU486 et des pilules abortives en général. Quand on parle d'un embryon qui est un être humain dès sa conception, suivez le raisonnement jusqu'au bout : cela fait de la pilule du lendemain l'arme du crime de tout ceux qui ne voient pourtant là qu'un moyen de contraception.