Contre la preuve ontologique

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Contre la preuve ontologique

Message non lu par LumendeLumine » mar. 16 janv. 2007, 23:07

[align=justify]J'ai lu une partie du texte de popeye sur l'existence de Dieu dans un autre fil de discussion. Je ne suis pas aussi versé en philosophie que lui, mais j'ai lu quand même un bon bout sur les preuves de l'existence de Dieu et je m'étonne qu'il défende la preuve ontologique. Voici son texte:

Il y a un présupposé philosophique à la preuve : la validité rationnelle du conceptualisme réaliste : le réel est rationnel. Ce présupposé est d'extrême importance, puisqu'il oblige à conclure que tout ce qui est pensable sans contradiction est possiblement ou actuellement réel, de par l'adéquation possible / pensable. Ainsi, le concept d'un cercle carré est impensable (sans contradiction) ; par suite, le cercle carré est impossible.

Quant à la preuve, sa validité fut contestée, à tort, par S.Thomas d'Aquin. Voici comment il faut la formuler. Le concept de perfection si parfaite que rien de plus parfait ne peut être ni être pensé ni être pensé être n'est pas contradictoire. Partant, à ce concept doit correspondre soit une possibilité, soit une réalité en acte. Or s'il n'y correspondait qu'une possibilité, il n'y aurait pas correspondance, être en acte étant bien plus parfait quêtre en puissance. De sorte qu'admis l'adéquation de la pensée au réel, au concept de parfait si parfait... correspondra nécessairement une réalité si Parfaite que rien de plus parfait ne puisse être pensée ni être.

Conclusion : Dieu existe, Acte Pur Infini : Parfait, donc Existant ; Parfait, donc Infini. D'où une théologie où l'attribut métaphysique de Dieu est la Perfection...

Corollaire : tout ce qui est sans L'être y participe. (On peut aussi prouver ce point, et prouver que la participation est création). Démontré Dieu et son Infinité, est assuré la validité de la métaphysique de la participation et celle de l'argument du maximum. Ce qui revient à dire qu'on ne peut user de la participation ou de l'argument du maximum pour prouver Dieu.


Kant, père de tant d'erreurs, a su mettre le doigt sur le problème: il est illégitime de passer du domaine de l'idée à celui du réel. Le concept de la perfection la plus grande qui soit implique certainement l'existence actuelle, l'existence en acte étant plus parfaite que la simple possibilité. Mais ce faisant, vous n'êtes pas sorti du domaine de l'idée! Le concept implique l'existence en acte: l'existence en acte est donc comprise dans ce concept. Mais de quel droit sortez-vous du concept pour transposer dans la réalité? Tout ce que l'argument vous autorise à dire, c'est que si l'être le plus parfait qui puisse exister existe, alors il existe nécessairement.

Le principe réaliste d'adéquation entre l'idée et le réel dit ceci et seulement ceci: que ce qui est de soi contradictoire est de soi impossible. De ce qu'une chose est non-contradictoire on ne peut conclure qu'il existe une possibilité réelle qu'elle existe. Il existe une simple possibilité logique, possibilité dans l'esprit, mais pas nécessairement dans le réel.

Vous qui souscrivez au principe réaliste d'adéquation entre l'idée et le réel, devriez savoir aussi que l'objet propre de l'intelligence humaine, c'est le réel sensible en tant qu'intelligible. Toute "preuve" qui ne part pas du réel sensible ne peut procurer de connaissance a propos du réel. C'est pourquoi les cinq voies de Saint Thomas d'Aquin partent du monde sensible pour amener à Dieu; du réel, on passe au réel en remontant de l'effet à la cause. On ne saurait en aucun cas procéder a priori. À ce sujet, lire l'excellent livre "Dieu, son existence et sa nature, Tome 1" de Garrigou-Lagrange.[/align]

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Message non lu par LumendeLumine » mer. 17 janv. 2007, 23:47

[align=justify]
popeye a écrit : Car ce que dit le réalisme, en quoi il s'oppose à l'idéalisme, c'est précisément que la pensée est adéquate au réel, ce que nie l'idéalisme, pour lequel la pensée n'est adéquate qu'à elle même. Ce qui revient à dire que le conceptualisme réaliste pose l'adéquation entre le possible et le pensable : tout ce qui est pensable sans contradiction est possible.
Ce que dit le réalisme, c'est que une intelligence c'est la fonction de l'être en tant qu'il est intelligible. Et l'intelligence humaine a pour objet l'être intelligible des choses sensibles; toute notre connaissance provient du donné expérimental. Elle n'est pas une catégorisation peut-être arbitraire de l'expérience, comme le prétend l'idéalisme; elle est une relation vivante à l'objet, mais à l'objet présenté par les sens.

Tout ce qui est pensable sans contradiction est possible, mais d'une simple possibilité logique, pas forcément d'une possibilité réelle. Un cercle-carré est de soi contradictoire: il est impossible qu'il existe, point final. Un cercle infini n'est pas de soi contradictoire, donc logiquement possible; mais la possibilité réelle de son existence dépend de s'il existe ou non une puissance susceptible de le réaliser. Si Dieu n'existait pas, il serait strictement impossible qu'existe un cercle infini, même si le cercle infini n'est pas un concept de soi contradictoire.
popeye a écrit :tout ce qui est pensable sans contradiction est possible. Par suite, (...) si le concept implique nécessairement l'existence, et pour autant que le concept n'est pas contradictoire, il faudra conclure, passant du conceptuel au réel, à l'existence de cet être.
Tout ce qui est pensable sans contradiction est possible; mais il ne s'ensuit pas que tout ce qui est pensable comme nécessaire soit nécessaire. Car ce n'est pas parce qu'une chose est pensable comme possible qu'elle est possible; c'est par qu'elle est non-contradictoire. Par suite, ce n'est pas parce qu'une chose est pensable comme nécessaire qu'elle est nécessaire; elle n'est toujours que possible, parce qu'elle est non-contradictoire.

En d'autres termes: au pensable correspond le possible, non parce que le pensable est pensable comme possible, mais parce qu'il est pensable, ie: non-contradictoire. Il s'ensuit que le pensable comme nécessaire n'est pas forcément nécessaire, mais seulement possible.
D'une, l'adéquation de la pensée au réel est identiquement l'adéquation du réel à la pensée !
Peut-être, d'un point de vue logique, quoique je ne vois pas où vous voulez en venir.
De deux, vous ne pouvez restreindre l'adéquation de la pensée au réel au schème pensable / possible, puisqu'au pensable peut correspondre non le possible mais le nécessaire.
Qu'au pensable puisse correspondre le nécessaire, c'est justement ce que je conteste, et ce qu'il vous faudrait démontrer.
Si, comme vous le faites, vous niez que du concept d'un "parfait si parfait que rien de plus parfait ne puisse être pensé ni être" on puisse conclure à son existence, vous niez de fait l'adéquation de la pensée au réel en niant l'adéquation du réel à la pensée.
L'intelligence humaine n'est pas créatrice comme celle de Dieu; l'idée d'une chose n'engendre pas la chose. La preuve ontologique est un bel exemple de ne considérer que la partie "intelligence" de l'expression "intelligence humaine". Je ne nie pas l'adéquation du réel à la pensée; c'est vous qui lui donnez une fausse interprétation. Avez-vous lu R. P. Garrigou-Lagrange, Jacques Maritain? Aucun thomiste que je connaisse, qui sont des réalistes modérés comme Aristote et Saint Thomas, n'a soutenu l'argument ontologique, mais ils l'ont dénoncé comme une insoutenable perversion de l'authentique sens réaliste, au même titre que l'idéalisme. En effet, à partir du moment où l'on prétend connaître a priori, la pensée s'enferme et se coupe du monde. Qui l'a soutenu? Saint Anselme, Descartes, qui est tout sauf un réaliste et nie le principe de non-contradiction comme certitude première et absolue; Leibniz, réaliste absolu, à l'autre extrême de l'empirisme.
Car si le réel est adéquat à la pensée, au concept non contradictoire d'un existant nécessaire et par soi, correspond nécessairement une réalité.
C'est ce que je conteste encore une fois.
La preuve n'est pas, contrairement à l'opinion commune, une preuve a priori. Elle est en fait a posteriori, puisqu'elle part d'une notion acquise à partir du sensible : le concept de perfection.
Vous connaissez beaucoup de notions qui ne sont pas acquises à partir du sensible? Ne faussez pas les définitions: une preuve a priori part d'une notion, (dans le cas de l'intelligence humaine, forcément acquise à partir du sensible); une preuve a posteriori part de l'expérience.

De l'existence de perfections limitées dans le monde on peut conclure à l'existence d'un être parfait; c'est la quatrième voie de Saint Thomas d'Aquin. Mais on part de la chose réelle pour aboutir à la chose réelle. Ce qu'a dit Kant, cet idéaliste, c'est que Dieu sortant du domaine de l'expérience, il ne peut être connu. Mais si Dieu sort du domaine de l'expérience, il y entre par ses effets: les créatures. Et selon le réalisme modéré, toute connaissance pour l'homme provenant du sensible, c'est donc la créature à Dieu qu'on prouve son existence.
Si Deus est Deus, Deus est ;
sed antecedens est adeo verum quod non potest cogitari non esse ;
ergo Deum esse est verum indubitabile.
Je ne comprends pas le latin, mais je le devine. Donc je devine que Saint Bonaventure a dit: "Si Dieu est Dieu, Dieu est; on ne peut pas penser qu'il n'existe pas; donc l'existence de Dieu est indubitablement vraie."

Si Dieu est Dieu, Dieu est; évidemment.
On ne peut pas penser qu'il n'existe pas. Correction: on ne peut pas concevoir Dieu comme n'existant pas. Mais de qu'on doive le concevoir comme existant, ne s'ensuit pas son existence réelle, on l'a montré.
Donc...[/align]

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Message non lu par Larmorencourt » jeu. 18 janv. 2007, 0:46

LumendeLumine a écrit : Par suite, ce n'est pas parce qu'une chose est pensable comme nécessaire qu'elle est nécessaire; elle n'est toujours que possible, parce qu'elle est non-contradictoire.
Votre raisonnement se comprend si vous rajoutez l'attribut de nécessité de façon arbitraire, et en effet, la chose ne restera que possible, tant qu'elle est non contradictoire avec la nécessité, mais si la nécessité découle de son concept, c'est à dire que le concept devienne contradictoire, dès lors que l'on en retire la nécessité pour la chose d'exister? Si vous ne comprennez pas ne vous en faites pas, je ne suis pas sur de me comprendre non plus.

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Message non lu par LumendeLumine » jeu. 18 janv. 2007, 4:31

[align=justify]Bonjour Larmorencourt,
Votre raisonnement se comprend si vous rajoutez l'attribut de nécessité de façon arbitraire, et en effet, la chose ne restera que possible, tant qu'elle est non contradictoire avec la nécessité, mais si la nécessité découle de son concept, c'est à dire que le concept devienne contradictoire, dès lors que l'on en retire la nécessité pour la chose d'exister?
"Si la nécessité découle de son concept"... c'est ce qu'il vous faudrait alors démontrer, et c'est précisément ce que je réfute. Ne raisonnez pas en rond... La nécessité est incluse dans son concept; mais que l'existence nécessaire actuelle découle du concept, c'est ce qu'il faudrait démontrer.[/align]

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Message non lu par Larmorencourt » jeu. 18 janv. 2007, 10:46

LumendeLumine a écrit :[align=justify]Bonjour Larmorencourt,
Votre raisonnement se comprend si vous rajoutez l'attribut de nécessité de façon arbitraire, et en effet, la chose ne restera que possible, tant qu'elle est non contradictoire avec la nécessité, mais si la nécessité découle de son concept, c'est à dire que le concept devienne contradictoire, dès lors que l'on en retire la nécessité pour la chose d'exister?
"Si la nécessité découle de son concept"... c'est ce qu'il vous faudrait alors démontrer, et c'est précisément ce que je réfute. Ne raisonnez pas en rond... La nécessité est incluse dans son concept; mais que l'existence nécessaire actuelle découle du concept, c'est ce qu'il faudrait démontrer.[/align]
Mais Dieu est son propre Concept, de son intelligibilité resulte donc son existence nécessaire. Mais vous avez raison en disant que pour démontrer cette intelligibilité, il faut au préalable démontrer la possibilité d'une Intelligence (la Sienne Propre, puisque sinon il y aurait un intellect plus grand que Lui et Le contenant) capable de "l'intelligire". De plus il faut que cet Intellect soit réellement en acte pour faire "subsister" le Concept.

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Message non lu par LumendeLumine » jeu. 18 janv. 2007, 19:49

[align=justify]Bonjour Popeye,
Popeye a écrit :PREMIÈRE ERREUR : D’abord, le réalisme ne dit pas que l’intelligence est une fonction de l’être en tant qu’il est intelligible ! Dire que tout être est intelligible, c’est affirmer que l’être est transcendantalement vrai, puisque la vérité transcendantale de l’être, c’est son intelligibilité. Or ce n’est pas parce qu’un être est intelligible qu’il intellige. Un singe est un être intelligible qui n’intellige pas.
Je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Je n'ai pas dit que tout être intellige, j'ai dit que le postulat du réalisme au sujet de la connaissance, c'est que toute intelligence est fonction de l'être en tant qu'il est intelligible. Et ce n'est pas parce que tout être, quoiqu'il soit intelligible, n'intellige pas forcément, que l'intelligence n'est pas une fonction de l'être en tant qu'il est intelligible.
Popeye a écrit :Oui, et alors ? D’où tenez vous que la preuve est a priori ?
Qu'elle part d'un concept et prétend tirer une conclusion à partir de ce concept. Je reprends ici votre nouvel argumentaire:

Vous affirmez qu’une preuve a posteriori part de l’expérience, moi aussi. Mais voyez vous, de l’expérience nous abstrayons l’intelligible contenu dans le sensible, et formons des concepts. Or c’est bien de l’expérience que nous tirons le concept de perfection. Quand nous constatons un passage de la puissance à l’acte opéré dans l’ordre sensible, nous constatons la perfection : « Mais comme, parmi les choses qui se font, on dit parfaite la chose, qui de la puissance a été menée à l’acte, on transpose le terme “parfait”, pour signifier ce qui est pleinement en acte, que cela soit, ou non, au terme d’un perfectionnement. » [Ia Q.4 a.1 sol.1]. Le concept de perfection est donc tiré du sensible. Et de même pour l’imperfection. Quand nous constatons qu’une nature est privée d’une perfection naturelle, nous concluons à l’imperfection. Les concept de perfection et d’imperfection sont donc tirés du sensible. Partant, (...)

Je vous concède volontiers que le concept de perfection est tiré du sensible. Or, preuve formelle que vous ne pouvez tirer de là que l'argument ontologique est a posteriori, une preuve qui n'interroge que les concepts en eux-mêmes c'est par définition une preuve a priori. Or l'argument ontologique n'interroge que les concepts en eux-mêmes. Par conséquent l'argument ontologique est une preuve a priori. Preuve par l'absurde maintenant: si du fait qu'un concept est tiré du sensible, on est autorisé à considérer une preuve se basant strictement sur lui comme étant a posteriori, alors il n'existerait pas de preuve a priori, puisque tout concept chez l'homme provient du sensible. Or c'est absurde. Donc on n'est pas autorisé à considérer une preuve se basant strictement sur un concept comme a posteriori, du seul fait que ce concept serait tiré du sensible.

Or une preuve a priori cela ne vaut rien dans le réalisme, parce que la connaissance humaine part de l'expérience. Sans expérience de Dieu, on ne peut pas prouver son existence, à moins que vous vouliez en revenir aux "idées claires" de Descartes, sur lequel point vous vous écartez dangereusement du réalisme.

L'adéquation du réel à la pensée, c'est la définition réaliste de la vérité, pas de l'intelligence. Et vous n'êtes pas sans ignorer que la pensée est bien souvent dans l'erreur; donc elle n'est pas forcément adéquate au réel. Elle n'est adéquate au réel que lorsque effectivement, ce qu'elle conçoit y correspond. Ce qui n'est possible que par contact avec ce réel; contact qui pour nous passe par l'expérience. Donc il n'y a pas d'autre voie vers Dieu que du monde à Lui, pas de son concept à Lui.

Je conteste tout votre argument sur l'insuffisance des voies thomistes à prouver Dieu. S'il y a un premier moteur, une cause première, un nécessaire par soi, il s'ensuit qu'il est Acte pur, l'Être dont l'essence est identique à l'existence; qu'il est infini, cela se déduit du fait que les perfections qu'on a trouvées en lui ne sont pas de soi limitées, elles ne sauraient être limitées que par un autre; mais on ne peut remonter à l'infini; il y a donc un Premier, qui n'est pas limité.

Et il ne saurait être qu'Un et unique, puisque entre deux êtres qui seraient leur propre existence rien ne les différencieraient; si bien qu'on ne peut penser qu'il n'existe qu'un seul et même être qui est sa propre existence, cause nécessaire à donner l'existence à ce qui doit la recevoir d'un autre, ie: les créatures.

En quoi le maximum de perfection dit-il illimitation plutôt que limite maximale? Parce que les perfections transcendentales d'être, de vérité et de bonté ne sont pas de soi limitées. Or un autre être de perfection limitée n'est pas requis à expliquer les perfections limitées des créatures; ce qui peut expliquer la perfection limitée, c'est une perfection illimitée.

Que la quatrième voie soit la clef de voûte de la démonstration thomasienne, j'en doute, puisque chacque argument est indépendant; Saint Thomas d'Aquin parle bien de "cinq voies", pas de "une voie en cinq étapes". Par ailleurs, s'il y a pour lui un argument qui l'emporte sur les autres, c'est la première, qu'il qualifie de "la plus évidente".
Larmorencourt a écrit :Mais Dieu est son propre Concept, de son intelligibilité resulte donc son existence nécessaire. Mais vous avez raison en disant que pour démontrer cette intelligibilité, il faut au préalable démontrer la possibilité d'une Intelligence (la Sienne Propre, puisque sinon il y aurait un intellect plus grand que Lui et Le contenant) capable de "l'intelligire". De plus il faut que cet Intellect soit réellement en acte pour faire "subsister" le Concept.
Mais Dieu n'est pas intelligible pour nous, puisqu'il échappe à notre expérience; l'objet de l'intelligence humaine c'est l'être intelligible des choses sensibles; donc, pas Dieu. Mais si Dieu ne peut donc être connu en soi, il peut être connu en ses effets, qui sont donnés à notre intellect; du monde on conclut à la nécessité de son existence, sans l'atteindre en soi. Ce que nous connaissons de Dieu par la raison naturelle, c'est ce que nous connaissons des créatures, que nous transposons par analogie en Dieu. Et c'est pourquoi nous sommes reconnaissants du fait de la Révélation! :heart: [/align]

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Message non lu par LumendeLumine » ven. 19 janv. 2007, 3:24

[align=justify]Vous avez bien compris ce que je voulais dire par l'intelligence est fonction de l'être; non qu'elle en serait une propriété, mais bien plutôt que l'être est son objet.
popeye a écrit :Je ne le crois pas. Je pense que pour qu'un argument soit dit a priori, il faut présupposer que le point de départ du raisonnement nous vient soit d'une illumination infuse, soit d'une catégorie de l'entendement. Autrement dit, que l'argument repose soit sur le système augustinien de l'illumination, soit sur le système idéaliste.
Donc, vos présupposés philosophiques m'empêchent de vous accuser d'utiliser un argument a priori, parce que cette catégorie n'existe pas dans votre système?

Soyons clairs: un argument qui prétend démontrer l'existence d'une chose à partir de sa définition, sans partir de l'expérience de cette chose, est a priori. Et votre argument ne se base sur aucune expérience de Dieu, ni directe bien entendu, mais ni indirecte non plus. L'expérience indirecte que nous avons de Dieu, ce sont les effets dont il est cause; c'est se basant sur cette expérience, et remontant de l'effet à la cause, qu'on peut prouver Dieu. Vous prétendez qu'il part de l'expérience sensible parce que le concept de perfection est tiré des choses. Certes, mais pas le concept de perfection la plus grande. Si vous prétendiez tirer le concept de perfection la plus grande de l'expérience, c'est que vous feriez l'expérience de Dieu. Et l'expérience des choses, ce n'est pas l'expérience de Dieu.
popeye a écrit :Je ne crois pas.

D'une part, pour un idéaliste, ses arguments ne peuvent qu'être a priori [au sens scolastique]. Cela ne veut pas dire qu'ils le soient en réalité, mais seulement qu'il s'imagine qu'ils le sont. Donc déjà on peut distinguer l'argument a priori / a posteriori comme suit : cru faussement a priori alors qu'en fait [au nom de la légitimité du réalisme] il est a posteriori.

D'autre part, les anges ne connaissent pas par abstraction, mais des principes infus aux conséquences incluses dans ces principes. Il y a donc des substances qui intelligent par raisonnement a priori.

Enfin, à supposer que n'existerait pas d'argument a priori, cela n'affecterait en rien la preuve, puisqu'elle est a posteriori.
Les idéalistes se trompent, et les anges ne tirent pas leur connaissance du sensible comme nous. Mais ce qui nous intéresse, c'est d'être hommes qui ne se trompent pas. Quant à savoir si la preuve est posteriori ou non, c'est déjà discuté.
popeye a écrit :dès qu'admis l'adéquation du réel à la pensée, la preuve vaut, puisque le concept sur lequel elle repose n'est pas contradictoire, et qu'elle respecte les règles régissant les syllogismes.
Deux erreurs ici: premièrement une preuve ne peut pas reposer sur un concept mais sur l'expérience, or la définition de Dieu à partir de laquelle vous prouvez son existence ne provient pas de l'expérience; deuxièmement elle ne respecte pas les règles régissant les syllogismes puisqu'elle suppose d'entrée de jeu dans le cas présent l'adéquation du réel à la pensée; en d'autres termes, elle présuppose qu'elle est elle-même vraie avant de démontrer quoique ce soit. C'est un raisonnement à vide et circulaire.
popeye a écrit :Ben non. Tout ce que prouve l'existence d'un premier moteur, c'est qu'il est immuable, donc simple, mais certainement pas qu'il est infini. Et dire qu'on déduit l'infinité du fait qu'il est illimité, c'est absurde, puisque infini = illimité. D'où ma question : d'où tirez-vous qu'il est illimité ?

En fait, je le sais, mais je le conteste. Pour vous, à la suite de S.Thomas, la limite vient nécessairement de la puissance passive. C'est précisément, à mon sens, l'erreur la plus monstrueuse qui soit.
Il est non mû, donc il est premier. Parce qu'il est premier, il est acte pur. Parce qu'il est acte pur, il n'est pas limité, la limite venant nécessairement de la puissance passive, comme vous le notez si aimablement. Et j'ai bien peur que si vous considérez ce point pourtant fondamental dans le réalisme modéré comme une erreur monstrueuse, nous n'ayions pas grand-chose en commun d'un point de vue philosophique.

Cela suffit pour l'instant.[/align]

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Message non lu par LumendeLumine » ven. 19 janv. 2007, 21:23

[align=justify]
popeye a écrit :Vous prennez la distinction a priori / a posteriori au sens moderne, je la prend au sens scolastique. Au nom de quel arbitraire votre choix serait légitime, et le mien illégitime ?
Oh non, vous ne la prenez pas au sens scolastique, puiqsue vous ne remontez pas de l'effet à la cause et vous dites pourtant que votre argument est a posteriori. Vous prétendez prouver la cause sans partir de l'effet. Cela ne rentre peut-être pas non plus dans la catégorie scolastique de prouver l'effet à partir de la cause, mais ce n'est pas en invoquant une série de définitions dans lesquelles vous ne rentrez que vous évitez la critique: votre preuve ne part d'aucune expérience de Dieu, mais bien de sa définition, ce que l'on appelle communément un argument a priori. Bien entendu la définition ne germe pas dans votre esprit ex nihilo, elle fait appel à des concepts tirés du sensible; mais la preuve n'en est pas davantage a posteriori, elle ne remonte aucunement de l'effet à la cause, elle ne part d'aucune expérience de ce qu'elle cherche à démontrer. C'est une preuve a priori.

Un argument qui partirait du concept de perfection tel que trouvé dans les choses suivrait le schéma suivant:

Il existe des êtres imparfaits.
Or, effet suppose cause.
Donc, il doit exister un être parfait.

Votre argument suit le schéma suivant:

Le concept de Dieu implique son existence.
Donc Dieu existe.

Induction à partir de la définition. Insuffisant, puisqu'à moins de savoir d'emblée que la définition se rapporte bien à l'être dont elle prétend être la définition (donc savoir si Dieu existe), le concept de Dieu ne se rapporte pas nécessairement à un être existant. Par conséquent la preuve ne démontre rien.
popeye a écrit :Vous n'avez aucune expérience indirecte de Dieu ! De l'effet à la cause, vous avez de la cause une connaissance d'ordre noétique et nullement empirique. Dit autrement, si l'effet est connu empiriquement avant que d'être connu noétiquement, la cause n'est connue que noétiquement, soit par analogie (attributs), soit par induction (premier moteur).
L'effet, c'est quelque chose de la cause, puisque tout ce que contient l'effet c'est ce que la cause, le possédant en propre, lui a transmis. Ainsi connaître l'effet, c'est de la même manière connaître, indirectement, quelque chose de la cause. Nous savons que les perfections qui sont dans les effets créés ne sont pas sous le même mode en Dieu; c'est pourquoi, d'une certaine façon, nous ne connaissons rien de Dieu. Mais parce que l'analogue est distinct de l'équivoque, d'une certaine façon, nous connaissons aussi quelque chose de Dieu, par ses effets analogues, non comparables mais non équivoques non plus, à lui-même.

À moins donc que vous vouliez soutenir que Dieu n'est pas réellement cause du monde expérimental, vous ne pouvez nier que connaître le monde, c'est connaître quelque chose de Dieu, dans la mesure où l'effet est quelque chose de la cause. Il n'y a donc d'autre connaissance qui vaille de Dieu, que la connaissance de ses effets. Connaissance naturelle soi dit en passant.
popeye a écrit :Vous admettez que du sensible je tire les concepts de perfection et d'imperfection. Dit autrement, vous admettez que j'abstrais l'intelligible à partir du sensible. L'intelligible abstrait n'est certes pas celui d'une perfection telle que rien de plus parfait... Et alors ? Du sensible, j'abstrait diverses perfections, que je constate toutes plus ou moins marquées d'imperfections. J'ai donc, à partir du sensible, les idées de perfection, d'imperfection, de plus ou moins = des degrés de perfections. Et c'est pourquoi je suis fondé, à partir de l'abstraction du sensible, à m'interroger sur la perfection qui serait au plus au degré de perfection.
Vous êtes fondé à vous y interroger, mais pas à donner une réponse certaine, puisque vous n'avez aucune expérience de la chose (dans le cadre de votre argument bien entendu); et l'ordre de la connaissance humaine part de l'expérience. Il n'y a pas de preuve de Dieu qui vaille qui ne parte pas d'une expérience de Dieu. Si nous ne faisons aucune expérience de Dieu, alors il n'y a aucune preuve de Dieu.
popeye a écrit :1/ Quelle serait sa nature ? De deux choses l'une : elle est finie ou infinie. Or infinie est supérieur à finie sans être contradictoire. Si donc une telle perfection existe, elle sera infinie. C'est de la déduction à partir de concepts tirés du sensible.
Si une telle perfection existe, alors parce qu'elle sera infinie, l'existence sera d'elle un attribut nécessaire. Mais nous savons pas si une telle perfection existe. Par conséquent nous ne sommes pas autorisés à dire que l'existence est de cet être un attribut nécessaire. Avant de posséder l'existence comme un attribut nécessaire, il faut d'abord au moins posséder l'existence. Vous inversez l'ordre de la connaissance et vous tentez de contourner la question de l'existence de Dieu afin de la présupposer à votre argument. Le raisonnement ne s'appuie que sur lui-même; il n'est pas conforme aux lois de l'intelligence, qui veulent que toute connaissance d'une chose parte de l'expérience (directe ou indirecte) de cette chose. Ce qui répond à votre réponse sur la "première erreur prétendue".
C'est déjà discuté, mais certainement pas résolu dans le sens que vous escomptiez.
Non, je voulais seulement dire que j'en avais déjà traité dans ma réplique, pas que la question était résolue.
1/ La preuve présuppose l'adéquation de la pensée au réel et du réel à la pensée. Dit autrement, elle présuppose le conceptualisme réaliste. Vous le présupposez vous même, en admettant les cinq voies thomasiennes. Serait-ce que pour vous les cinq voies soient circulaires ? Hmm ?
Non, je ne présuppose pas que la pensée soit adéquate au réel; ce serait donner comme point de départ à votre argument qu'il est vrai, parce que la pensée est dans le vrai, étant adéquate au réel. Il n'y a d'adéquation entre le réel et la pensée que lorsqu'elle est dans la vérité; or les sources de la vérité c'est l'expérience. Le point de départ de la preuve donc c'est celui que prend Saint Thomas d'Aquin, le monde observable; non l'adéquation entre la pensée et le réel.
2/ Si j'ai parlé de présupposé, c'est que je n'avais pas envie de développer sur cinquante pages une démonstration du conceptualisme réaliste. C'est le genre d'écrits que je réserve à la publication. Dit autrement, si le conceptualisme réaliste est la condition à la validité de la preuve, est totalement gratuit d'affirmer que le conceptualisme réaliste est présupposé pour légitimer la preuve. C'est un procès d'intention, gratuit, et qui plus est ridicule, puisque vous présupposez vous même le conceptualisme réaliste.
Par présupposé je ne me figure nullement que vous n'avez pas un solide argumentaire derrière votre "conceptualisme réaliste". Je ne suis pas un petit pseudo-intellectuel bas de gamme qui tente lâchement de diminuer son interlocuteur, vous le remarquerez. Je ne suis peut-être pas vraiment un intellectuel, mais je discute honorablement du moins. Quand je dis présupposé c'est justement parce que je sais très bien que justifier votre position philosophique (comme la mienne) sort des bornes d'un débat comme celui-ci. Si je ne vous fait pas de procès d'intention, ne m'en faites pas non plus et soyez de bonne foi avec les termes que j'emploie.
3/ Est faux d'affirmer qu'elle violerait les règles régissant les syllogismes. Car elle ne présuppose pas qu'elle est elle même vraie avant de démontrer quoi que ce soit. Elle présuppose le conceptualisme réaliste (et vous aussi vous le présupposez), et sur la base de ce présupposé, elle conclut à sa validité. Le raisonnement n'est donc pas circulaire. N'est pas circulaire le raisonnement qui pose d'abord la critériologie avant que de passer à la théologie et à l'ontique. Cela vous avait-il échappé ?
Ce que je veux d'abord dire, c'est qu'elle viole la loi de l'intelligence humaine, qui veut que toute connaissance provienne de l'expérience. Ce que j'ai déjà discuté ici.
1/ Admis la composition réelle, en l'ens créé, d'essence et d'exister, quoi limite l'exister de la créature ?
Vous feriez mieux de poser la question à un manuel de philosophie thomiste. Je ne suis qu'un novice en la matière. Il me semble clair toutefois que la créature reçoit l'existence à la limite de sa puissance.
2/ Si la forme substantielle n'est limitée que par la matière qui la reçoit [je dis bien limitée, pas individuée], quoi limite la forme substantielle à n'être qu'un degré de participation ?
Je ne comprends ni la première partie de la question, ni la deuxième, désolé.
3/ Quoi est la matière prime ?
No se. :( [/align]

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Message non lu par LumendeLumine » sam. 20 janv. 2007, 20:34

[align=justify]
popeye a écrit :À partir des effets, d’où j’abstrais les concepts de perfection, d’imperfection, de plus ou moins de perfection, je m’interroge, à partir de ces notions dégagées du sensible, pour savoir s’il existe une ou plusieurs perfections qui soient au plus haut degré de perfection, puisque je sais déjà, par abstraction du sensible, qu’il existe des degré de perfection. Je procède donc à une induction conjecturale à partir des données sensibles. Dans ce processus de recherche inductive opéré à partir du sensible [donc des effets !!!], la question est de savoir s’il n’est pas contradictoire d’envisager qu’existerait une perfection qui soit au plus haut dans l’échelle des perfections, et si elle est finie ou infinie. Ayant à envisager les deux branches de cette alternative, je commence par l’hypothèse qu’elle serait infinie. Je constate que cette notion n’est aucunement contradictoire. D’où je conclus à l’existence de ce dont j’avais la notion, au nom de l’adéquation du réel et de la pensée = au nom du conceptualisme réaliste.
De un, quoi que vous disiez, vous ne dégagez pas la notion du parfait le plus parfait qui soit du sensible, ce serait supposer que vous faites l'expérience de Dieu, ce que vous niez. Cette notion ne provient donc pas du sensible. De deux, c'est se basant sur cette notion que vous prétendez prouver Dieu. Votre preuve ne provient donc pas du sensible.

Mais admettons que vous partiriez réellement du sensible; votre preuve n'en est pas davantage a posteriori, selon la définition scolastique. La définition scolastique de preuve a posteriori dit: des effets à la cause. Elle ne dit pas: du sensible à la cause. Et c'est là que vous essayez de justifier l'injustifiable. Toute preuve part évidemment du sensible, c'est présupposé dans une perspective réaliste. Mais une preuve a posteriori (dans le sens scolastique) part d'un objet sensible en tant qu'il est effet, pour en déduire l'existence d'une cause et ses attributs dans la mesure où l'effet nous renseigne sur la cause. Or ce n'est pas ce que vous faites. Vous "partez du sensible" non en tant qu'il est effet pour en déduire l'existence d'une cause, mais en tant qu'il fournit la base d'un concept dont vous déduirez l'existence réelle de Dieu. Votre preuve ne fait nullement appel au concept d'effet ou de cause, elle ne rentre donc dans aucune catégorie scolastique.

Ce qui est sophistique, c'est de faire appel à un sens autre que celui que votre interlocuteur utilise pour vous justifier. Et il était pourtant d'emblée clair que lorsque je vous accuse d'utiliser une preuve a priori, je veux dire que vous ne partez d'aucune expérience de la chose que vous prétendez démontrer; c'est le sens moderne. Pourquoi donc me parler du sens scolastique? Votre argument n'y rentre d'aucune façon de toute manière.
popeye a écrit :2/ De plus, l’argument a priori s’entend en deux sens : de la cause à l’effet (vs. de l’effet à la cause) : sens scolastique ; d’une non-expérience (vs. de l’expérience) : sens moderne. De ce que je ne part pas de l’expérience de Dieu, ne s’en suit pas que je ne part pas des effets. Vous amalgamez SOPHISTIQUEMENT les deux sens !
Je n'ai pas dit que vous ne partez pas de ses effets; j'ai dit que vous ne remontez pas de l'effet à la cause, suivant la relation de causalité, ce qui est la définition de preuve a posteriori dans le sens scolastique. J'ai volontairement cité à la suite les deux sens afin de vous montrer que d'aucune façon vous ne pouvez qualifier votre argument de a posteriori. Ce n'est pas un amalgame, c'est un argument complet.
popeye a écrit :Connaître l’effet, c’est connaître indirectement la cause, oui. Mais ce n’est pas connaître empiriquement la cause : c’est la connaître intellectuellement. La connaissance indirecte de la cause n’est pas une connaissance empirique mais rationnelle, une connaissance acquise par UN RAISONNEMENT analogique ou inductif. Un raisonnement, pas une expérience !
Je n'ai pas appris qu'il existe deux types de connaissance. Je n'en recense qu'une, c'est la connaissance humaine, qui provient entièrement de l'expérience; nous ne connaissons rien qui ne soit objet d'expérience par les sens, parce que selon le réalisme modéré, et je considère ce point comme central et absolument fondamental, l'objet de l'intelligence humaine, c'est l'être intelligible des choses sensibles.

C'est pourquoi si nous ne faisons aucune expérience de Dieu, alors il n'y a aucune manière de savoir s'il existe. Or ce que j'ai dit, c'est non pas seulement que connaître l'effet c'est connaître indirectement la cause, ce qui est vague; mais que l'effet étant quelque chose de la cause, connaître l'effet, c'est de la même manière connaître quelque chose de la cause; ce que nous connaissons de Dieu, c'est ce que nous connaissons du monde sensible, en tant que ce monde sensible est effet, lié par causalité à Dieu.

Un raisonnement ne fait rien connaître de plus que ce qui est dans le donné intelligible; or le donné intelligible c'est exclusivement ce que nous fournissent les sens. L'intelligence humaine, contrairement à l'intelligence angélique, ne saisit pas dans leur pleine lumière les choses; elle procède par raisonnement; mais tout ce que fait le raisonnement, c'est mettre en lumière le contenu intelligible de ce que les sens nous donnent. Ainsi connaître par raisonnement c'est connaître le donné empirique, en tant qu'il est mis en lumière par le raisonnement. Il n'y a donc pas lieu de séparer connaissance intellectuelle et connaissance empirique. Nous connaissons empiriquement les choses dans la mesure où notre raison est capable d'y discerner le contenu intelligible.
popeye a écrit :La conclusion ne vaut pas. Encore une fois,vous ne pouvez conclure de la simplicité à l’infinité d’un premier moteur, parce que la doctrine de la limitation de l’acte par la puissance passive est fausse.
Puisque vous reconnaissez avec moi que discuter la véracité de la doctrine en question sort des bornes de ce débat, nous ne nous mettrons pas d'accord sur la validité des preuves de Saint Thomas. Néanmoins je vous pose une question: si la doctrine en question est vraie, reconnaissez-vous que les preuves de Saint Thomas soient vraies?
Je remarque d’ailleurs que vous avez soigneusement évité de répondre à mes trois questions.
Soigneusement évité? Vous faites ce que je n'aime pas chez un interlocuteur: essayer de voir des mauvaises intention là où il n'y en a pas. J'ai répondu à vos questions dans les limites ce que je sais. Si vous ne croyez pas, vous me faites de la peine.
Au sens moderne, le raisonnement pourrait être a priori
Alors vous acceptez la critique que je vous fais depuis le début, puisque vous savez très bien que c'est au sens moderne que j'employais le terme a priori.
Dans l’ordre réel, on ne possède pas d’abord l’existence, puis ensuite la contingence ou la nécessité. Qui possède l’existence la possède par soi ou par autrui. Or par soi = nécessairement de nécessité absolue. L’existence par soi n’est pas un composé d’existence et de nécessité. L’existence et la nécessité sont deux notes répondant à une même réalité.
Dans l'ordre réel, mais pas dans l'ordre de la connaissance. Avant de connaître une chose comme contingente ou nécessaire, on la connaît comme existante. Or ici il s'agit de démontrer une existence, donc c'est l'ordre de la connaissance qui nous intéresse.
S.Thomas part de l’expérience, oui da. Et que fait-il ? Il affirme que l’intelligence abstrait l’intelligible du sensible, ce qui est dire que le réel est intelligible, que l’intelligence ne plaque pas ses catégories sur le réel, mais reçoit du réel l’intelligible. Or dire ceci, c’est dire que la pensée est adéquate au réel, c’est être conceptualiste réaliste !

Bref, vous niez ce que vous présupposez, l’adéquation au réel, d’où ma franche hilarité.
Je refuse les termes d'adéquation au réel comme loi vraie en tout temps, parce c'est la définition de la vérité. Ce serait établir que la pensée est dans le vrai avant même de raisonner, ce qui est bien entendu sophiste.
De plus, est faux que toute connaissance humaine vienne de l’expérience humaine, puisque Dieu donne des lumières infuses.
Distinguo: l'ordre naturel et surnaturel. L'objet de l'intelligence humaine dans l'ordre naturel c'est l'être intelligible des choses sensibles. Dieu peut agir au-delà de l'ordre naturel, ce qui ne le modifie en rien. Or l'ordre surnaturel ne nous intéresse pas ici, nous faisons de la théodicée.[/align]

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Message non lu par Louis » dim. 21 janv. 2007, 15:13

Dans son audience générale du 10 juillet 1985, le Pape Jean-Paul II déclarait à ce sujet :

« Quand on parle de preuves de l’existence de Dieu, il faut souligner qu’il ne s’agit pas de preuves « scientifico-expérimentales ». Les preuves scientifiques, au sens moderne du mot, valent seulement pour les choses perceptibles aux sens, car c’est seulement sur celles-ci que peuvent s’exercer les instruments de recherche et de contrôle dont se sert la science. Vouloir une preuve scientifique de Dieu signifierait abaisser Dieu au rang des êtres de notre monde, et donc se tromper déjà méthodologiquement sur ce qu’est Dieu. »


Catéchisme de l’Eglise Catholique, § 31
« Créé à l’image de Dieu, appelé à connaître et à aimer Dieu, l’homme qui cherche Dieu découvre certaines « voies » pour accéder à la connaissance de Dieu. On les appelle aussi « preuves de l’existence de Dieu », non pas dans le sens des preuves que cherchent les sciences naturelles, mais dans le sens d’« arguments convergents et convaincants » qui permettent d’atteindre à de vraies certitudes »

Personnellement, aucun argument philosophique ne m'a jamais convaincu de l'existence de Dieu.

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Message non lu par LumendeLumine » dim. 21 janv. 2007, 16:35

[align=justify]Bonjour Louis,

Les "arguments convergents et convaincants" dont parle le CEC sont justement des arguments plus forts et plus rigoureux, (c'est-à-dire des preuves au sens strict, philosophique du terme) que les "preuves scientifico-expérimentales" qui ne sont jamais que des nombres tirés de l'expérience appuyant un modèle théorique plus ou moins universel et toujours à élargir et à remettre en question. Parce que la connaissance de Dieu est une connaissance métaphysique, s'il existe une preuve de Dieu, c'est une preuve métaphysique; donc une preuve d'une vérité bien plus grande et plus haute qu'une preuve du type "ce que j'observe dans le microscope s'accorde avec ce que prévoit la théorie".

Le CEC ne parlerait pas en effet d'arriver à "de vraies certitudes" si les voies vers Dieu n'étaient pas proprement démonstratives; parce qu'il n'y a que par démonstration rigoureuse à partir du donné expérimental que l'intelligence peut arriver à une vraie certitude. Garrigou-Lagrange, dans son livre "Dieu, son existence et sa nature", démontre dans les premières pages en long et en large qu'il est bel et bien de foi, enseigné par l'Église, que l'existence de Dieu peut être démontrée. [/align]

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Message non lu par Louis » dim. 21 janv. 2007, 19:09

LumendeLumine a écrit :[align=justify]Parce que la connaissance de Dieu est une connaissance métaphysique, s'il existe une preuve de Dieu, c'est une preuve métaphysique; donc une preuve d'une vérité bien plus grande et plus haute qu'une preuve du type "ce que j'observe dans le microscope s'accorde avec ce que prévoit la théorie".
[/align]
[align=justify]Cher LumendeLumine

Merci pour votre réponse.
Pouvez me synthétiser en une phrase compréhensible par tous cette preuve métaphysique?[/align]

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Message non lu par Miles Christi » lun. 22 janv. 2007, 0:09

LumendeLumine a écrit :J'ai lu une partie du texte de popeye sur l'existence de Dieu dans un autre fil de discussion. Je ne suis pas aussi versé en philosophie que lui, mais j'ai lu quand même un bon bout sur les preuves de l'existence de Dieu et je m'étonne qu'il défende la preuve ontologique. Voici son texte:

Il y a un présupposé philosophique à la preuve : la validité rationnelle du conceptualisme réaliste : le réel est rationnel. Ce présupposé est d'extrême importance, puisqu'il oblige à conclure que tout ce qui est pensable sans contradiction est possiblement ou actuellement réel, de par l'adéquation possible / pensable
Popeye nous étonnera toujours, son argumentaire a des accents hégéliens:

La preuve ontologique procède du concept. Le concept est considéré comme quelque chose de subjectif, et il est ainsi déterminé par son opposition à l'objet et à la réalité: il est ici l'élément initial et l'intérêt est alors de mettre en évidence qu'à ce concept appartient aussi l'être
(...)
Kant a critiqué cette preuve; il objecte ce qui suit. Si l'on définit Dieu comme la somme de toutes les réalités, l'être n'en fait pas partie, car l'être n'est pas une réalité; en effet, rien ne vient s'ajouter au concept par le fait qu'il est ou qu'il n'est pas, il demeure le même. Au temps d'Anselme déjà, un moine faisait la même objection, il disait: ce que je me représente n'est pas encore pour autant. Kant affirme: cent talers demeurent la même chose, que je me les représente simplement ou que je les possède; ainsi l'être ne serait pas une réalité puisque par lui rien ne s'ajoute au concept. On peut accorder que l'être n'est pas une détermination de contenu; mais rien ne doit certes s'ajouter au concept, il faut plutôt lui enlever le défaut d'être seulement quelque chose de subjectif. Le concept qui est seulement quelque chose de subjectif et est séparée de l'être est quelque chose de nul. Dans la forme qu'Anselme donne à la preuve, l'infinité consiste précisément à ne pas être quelque chose d'unilatéral, de simplement subjectif, auquel l'être n'appartiendrait pas. L'entendement tient l'être et le concept strictement séparés, chacun en tant qu'identique à soi; mais déjà selon la représentation ordinaire, le concept sans l'être est quelque chose d'unilatéral et qui manque de vérité, et il en est de même de l'être dans lequel il n'y a aucun concept - l'être dépourvu de concept. Cette opposition qui relève de la finitude ne peut pas du tout trouver place dans l'infini, en Dieu.
(...)
il est la contradiction non résolue
(...)
Lorsque Kant dit que l'on ne saurait extraire la réalité du concept, le concept est alors compris comme fini. Mais le fini est ce qui se supprime ainsi soi-même, et tandis que nous avions dû ainsi considérer le concept comme séparé de l'être, nous avions précisément la relation à soi qui est l'être en lui-même.

La religion accomplie

Hegel
Pour réhabiliter la preuve ontologique contre Kant, Hegel établit donc un distingo entre le Concept compris comme totalité et les concepts privés d'être ou contradictions non résolues: contradiction qui n'a bien sûr de sens que dans le contexte de la logique dialectique hégélienne qui veut que la véritable identité (dite identité spéculative) soit l'identité du même (dite identité abstraite) et de l'autre (différence), donc une identité englobante, or lorsque le Concept s'identifie au concept (concept de notre entendement), Hegel nous dit qu'il s'identifie à ce qu'il n'est pas parce qu'il laisse l'être en dehors de lui et il le laisse s'opposer à lui, alors que l'être est en lui. Pour Hegel Dieu est donc ce Concept qui dépasse l'opposition concept/être, qui synthétise cette opposition en déduisant l'être du concept. Du coup alors que le concept est limité par l'être qui reste en dehors de lui, et de même l'être limité par le concept qui lui est étranger, donc tous deux qualifiés de fini, le Concept lui est infini, puisqu'ayant l'être en lui, plus rien ne le limite.

Le hic dans la preuve ontologique est que quelque soit l'objet que je conçois je peux également le concevoir comme existant ou comme inexistant sans que pour autant il existe ou n'existe pas hors de mon esprit.

In cruce salus. In cruce vita. In cruce protectio ab hostibus. In cruce robur mentis. In cruce gaudium spiritus. In cruce virtus summa. In cruce perfectio sanctitatis. Non est salus animae, nec spes æternæ vitæ, nisi in cruce. Tolle ergo crucem et sequere Jesum, et ibis in vitam æternam.


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Message non lu par Miles Christi » lun. 22 janv. 2007, 15:41

La preuve ontologique est un raisonnement par l'absurde: si le concept A n'existe pas alors il existe un concept B supérieur à A et qui est "A existant", B contredisant la maximalité de A, c'est absurde, d'où il faut en conclure que A existe.


La faille dans cette preuve elle réside dans la comparaison entre un concept existant et un concept inexistant et dans la confusion entre "un concept existant ou inexistant" et "un concept que je conçois comme existant ou comme inexistant".

Je peux fort bien dire qu'un concept qui existe est supérieur à un concept qui n'existe pas: l'un a l'être et l'autre non. Mais je ne peux pas dire qu'un concept que je conçois comme existant est supérieur au même concept que je conçois comme inexistant, simplement parce je ne suis pas Dieu et que concevoir comme existant n'est pas équivalent à pouvoir donner l'existence, de même concevoir comme inexistant n'est pas équivalent à pouvoir soustraire l'existence.

Ainsi dans la preuve ontologique, je fais dans un premier temps comme si le concept n'existait pas et dans un deuxième temps comme si il existait, mais que je fasse comme ci ou comme ça cela ne change rien à l'affaire c'est toujours le même concept et je n'ai pas le droit de dire que le fait de faire comme si il existait lui confère effectivement une perfection supplémentaire, de même que je n'ai pas le droit de dire que faire comme si il n'existait pas lui enlève effectivement une perfection.

Deux hommes peuvent avoir la même conception d'un objet, l'un faire comme si cet objet existait, et l'autre faire comme si il n'existait pas. Est-ce que cela veut dire que la conception de l'un est supérieure à celle de l'autre? non c'est toujours la même. Ici ce qui change ce n'est pas le concept c'est le rapport du sujet au concept, sans compter les implications pratiques subséquentes puisque selon que je considère que cet objet existe ou non la conduite de mon existence pourra en être affectée.


En revanche dans la preuve cosmologique il n'y a pas ce problème-là, car ici on évite l'écueil d'un jugement de valeur oiseux entre l'existant supposé et l'inexistant supposé. Ici on régresse de l'existant effectif second à l'existant effectif premier.(cause incausée, incausée matériellement, formellement, finalement et efficacement). Kant objectera qu'il est impossible de faire l'expérience d'une cause incausée, et que donc on ne peut prononcer de jugement d'existence sur une telle cause. On ne peut effectivement expérimenter une telle cause puisqu'elle est hors de notre univers du fait qu'elle est justement incausée, elle est donc métaphysique (au-delà de notre physique). Par contre remettre en cause son existence, c'est remettre en cause toute la chaîne causale, c'est remettre en cause la catégorie de la causalité elle-même, le prix est lourd à payer. Or il n'y a pas de raison de douter de l'existence du premier maillon de la chaîne causale sous prétexte qu'il est métaphysique. En effet, et c'est là une des limites du kantisme, Kant pensait que tout concept valide devait pouvoir se traduire par un schème: ainsi en géométrie euclidienne le pur concept de droite peut se traduire par une ligne tracée à la craie, on peut donc expérimenter le concept de droite. Or l'avènement des géométries non-euclidiennes et de la physique relativiste ont permis de montrer qu'il existait des concepts parfaitement valides, mais intraduisibles directement en terme d'expérience physique "quotidienne", par exemple le concept de temps comme quatrième dimension: pour pouvoir le produire sous forme d'un schème kantien, il faudrait par exemple que l'homme puisse se déplacer à sa guise du futur vers le passé et du passé vers le futur aussi facilement qu'il se déplace de gauche à droite dans les autres dimensions de l'espace. Par conséquent ce qui fait la validité du concept ce n'est pas forcément l'expérimentation directe de ce concept, mais la cohérence logique qu'il apporte à l'explication des faits.

In cruce salus. In cruce vita. In cruce protectio ab hostibus. In cruce robur mentis. In cruce gaudium spiritus. In cruce virtus summa. In cruce perfectio sanctitatis. Non est salus animae, nec spes æternæ vitæ, nisi in cruce. Tolle ergo crucem et sequere Jesum, et ibis in vitam æternam.


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Message non lu par LumendeLumine » lun. 22 janv. 2007, 20:34

[align=justify]
Louis a écrit :[align=justify]Cher LumendeLumine

Merci pour votre réponse.
Pouvez me synthétiser en une phrase compréhensible par tous cette preuve métaphysique?[/align]
Parce que tout dans le monde qui nous entoure nécessite une cause ou raison d'être, il faut qu'existe une cause suprême, qui est à elle-même sa raison d'être.
popeye a écrit :Je n’ai jamais dit que j’abstrayais le concept de parfait si parfait… du sensible ; j’ai dit que j’abstrayais du sensible les concepts de perfection, d’imperfection, de degrés de perfections, à partir desquels je m’interroge pour savoir si cette hiérarchie des degrés de perfections est couronnée par une perfection infinie.
Vous vous interrogez peut-être à partir d'objets de l'expérience, mais vous tirez la réponse non des objets de l'expérience, mais du concept "Dieu" se référant, au départ de la preuve, à un être dont l'existence est improuvée, et que la preuve vise à prouver. Votre interrogation part peut-être du sensible, mais le raisonnement que vous appelez "preuve" et dont la conclusion est "donc Dieu existe", part du concept même de Dieu, concept d'un être qui n'est alors d'aucune façon donné à l'expérience, mais purement hypothétique.

En d'autres termes, vous ne découvrez pas dans le donné sensible de lien vers Dieu. Un lien entre le sensible et Dieu, peut être un lien de causalité efficiente, de raison d'être, ou de finalité. Quelque chose qui dans le sensible nous dit: le monde que nous observons est ainsi; or il ne serait pas ainsi sans un être tel Dieu; donc Dieu existe. Voilà un raisonnement valable et convainquant.

En quels termes dois-je le poser? Votre preuve ne fait appel à aucune relation entre le monde et Dieu, voilà peut-être les mots les plus clairs que je puis employer. Or sans remonter un lien, une corde causale quelconque tendue entre le donné sensible et Dieu, vous ne pouvez prétendre l'atteindre.
Les dictionnaires philosophiques s’accordent donc pour dire qu’au sens scolastique le raisonnement a posteriori est celui qui démontre la cause à partir de l’effet, de la conséquence au principe, en procédant par voie analytique, sans obliger à ce que cette démonstration s’appuie sur le principe de causalité. Ce qui importe, c’est qu’elle soit analytique !
Je ne suis pas familier avec les termes analytique et synthétique. Il me semble évident toutefois que si les dictionnaires parlent d'effet et de cause, ce n'est pas pour rien. Remonter de l'effet à la cause, c'est suivre en sens inverse une relation causale; remonter des conséquences au principe, c'est suivre un lien de dépendance. Or quel lien de dépendance entre le monde et Dieu remonte la preuve ontologique, aucun.
Dieu existe, et peut parfaitement infuser en votre intelligences des lumières mystiques. Il peut même (et il est de foi qu’Il le fait…) se faire l’espèce impresse d’un intellect patient surélevé par le lumen gloriæ. La connaissance intellectuelle de l’homme ne se réduit donc pas à l’abstraction à partir du sensible. Ceci dit, c’est le seul mode naturel que nous ayons de connaître intellectuellement.
Exact. Mais cela ne signifie pas que dans l'ordre naturel, celui qui nous concerne ici, la connaissance humaine ne soit pas celle du sensible, comme vous le dites aussi. Je ne vois donc pas la pertinence de cette remarque. Et pour répondre du même coup à votre dernier commentaire, je ne fais pas de généralisation excessive en affirmant, dans le cadre de ce débat, que la connaissance humaine part exclusivement du sensible. Il n'est tout simplement pas pertinent de faire allusion à l'ordre surnaturel lorsqu'on discute d'une preuve par la raison seule.
La raison humaine laissée à ses seules forces peut démontrer l’existence de Dieu, qui n’est d’aucune façon la quiddité d’un sensible. Mais puisque vous n’avez de cesse de répéter que l’intelligible des choses sensibles est l’objet propre de nos intelligences, il vous sera facile de le prouver. Quelles sont vos preuves ?
Je pense que l'existence de Dieu est en tant que cause du sensible, quelque chose du sensible, parce que la dépendance causale fait partie du donné sensible (en tant qu'intelligible!...). Cette dépendance trouvée, on peut appeler son terme inconnu Dieu.
Vous vous trompez en supposant qu'il m'est facile de prouver une évidence première telle que l'objet de l'intelligence humaine. Que voulez-vous que je prouve exactement? La partie "être intelligible" ou la partie "des choses sensibles"? La partie "être intelligible" ne se démontre que par réduction à l'absurde, que si nous ne pouvions l'atteindre, la pensée serait pensée de rien, elle serait pensée et non-pensée, il n'y aurait rien à dire et nous pourrions nous taire pour toujours. "des choses sensibles", c'est l'expérience qui nous l'apprend, ce me semble. Ce que nous connaissons, c'est que d'une manière ou d'une autre, nous pouvons expérimenter. L'Amérique ne fut connue que lorsqu'on la découvrit. Il a fallu les Saintes Écritures pour nous parler des Anges; et encore faut-il se fier à l'expérience d'un autre. Nous entrons en relation avec le monde par nos sens; coupez un ou plusieurs et c'est autant de voies qui se ferment; il nous paraît évident que sans aucun sens, nous ne connaîtrions rien, pas même nous-même; parce que la connaissance que nous avons de nous-même utilise les données fournies par les sens.

Ce n'est pas une preuve, même pas par l'absurde, mais c'est pour vous montrer qu'il s'agit d'une évidence. Je n'ai pas trouvé jusqu'à maintenant qui que ce soit qui conteste que dans l'ordre naturel, la connaissance humaine provienne du sensible. J'en connais pas mal qui nient que du sensible on puisse connaître un donné intelligible, (Hume, Kant, etc.), mais ce que Hume et Kant disent de vrai - avec le réalisme modéré d'ailleurs - c'est que le champ de la connaissance ne dépasse pas celui de l'expérience. Là où ils errent, c'est de nier qu'un objet extra-sensible (tel Dieu) puisse être découvert dans le donné sensible, parce qu'ils nient l'intelligence comme fonction de l'être intelligible, par conséquent des relations d'identité, de causalité, de raison d'être de finalité par lesquelles l'expérience nous relie à Dieu.
popeye a écrit :Pardon de ma franchise, mais vous dites ici n’importe quoi, et vous virez au ridicule. Il m’est très facile de vous démontrer que Dieu n’est d’aucune façon, sinon dans la vision intuitive, l’objet d’une expérience, et que nonobstant l’existence de Dieu se prouve : non pas par l’expérience, mais par le raisonnement.

La connaissance par expérience est soit la connaissance empirique, soit la connaissance expérimentale.

La connaissance EMPIRIQUE est d’ordre sensible. On ne connaît empiriquement que ce que l’on perçoit, par ses sens externes ou internes. Ce qui revient à dire que seul le sensible peut être connu par expérience. Or Dieu n’est pas sensible.

La connaissance EXPÉRIMENTALE est une connaissance où l’objet n’est connu que parce qu’éprouvé. S’en suit que la seule connaissance expérimentale de Dieu est celle des élus jouissant de la vision intuitive, où Dieu est vu « tel qu’Il est » (I Jn III 2). Par suite, vous n’avez pas l’expérience de Dieu, sauf à l’avoir déjà vu dans un acte de vison intuitive passager. Est-ce le cas ? Je présume que non.

Conclusion : Ce n’est pas Dieu qui, en ce bas-monde, est connu par expérience, mais ses effets créés, desquels nous pouvons, non par expérience mais par raisonnement, conclure à l’existence de Dieu.
Pardonnez-moi mais je ne comprends rien à la distinction que vous faites. Parce que contrairement à ce que vous dites, je n'aime pas débattre de mots, je vais donc ne pas employer les mots empirique et expérience pour l'instant.
Je vous concède de un, que Dieu n'est pas sensible en soi, et de deux, que je n'ai pas la connaissance de Dieu en lui-même. Mais distinguo: en soi et dans ses effets. Dieu est sensible d'une certaine manière, dans ses effets. Non qu'il se prolonge lui-même dans ses effets; mais en vertu de l'idée d'acte et puissance, tout ce que contient le monde positivement, Dieu le possède en propre. Par conséquent connaître le monde c'est analogiquement connaître Dieu, à condition de remonter le lien causal entre Dieu et le monde.

Dieu n'est pas sensible donc pas connu; en soi, non, mais en ses effets, oui.
popeye a écrit :Ce n’est pas parce que la connaissance intellectuelle suit la connaissance sensible ou empirique que la connaissance abstractive est une connaissance empirique indirecte. Par définition, une connaissance empirique est d’ordre sensible, ce que n’est pas, par définition, la connaissance intellectuelle. La connaissance intellectuelle n’est pas une connaissance sensible, directe ou indirecte. Elle n’est pas sensible, mais intellectuelle. Il est certes vrai que dans le processus d’abstraction la connaissance sensible vient en premier, donc directement, tandis que la connaissance intellectuelle ne vient qu’en second, donc indirectement. Mais de ce qu’on ne connaisse intellectuellemnt qu’indirectement ne s’en suit pas que cette connaissance indirecte est d’ordre sensible. Or ce que vous affirmez, ce n’est pas seulement que l’espèce intellectuelle n’arrive qu’après l’espèce sensible, et qu’elle en dépend puisqu’elle en est abstraite ; c’est encore que cette connaissance intellectuelle est d’ordre sensible. Encore une fois, les mots ont un sens que vous ne pouvez altérer au gré de vos fantaisies.
Je suis d'accord avec tout ce que vous dites, et vous pardonnerez j'en suis sûr le manque de rigueur dont je fais bien malgré moi et trop souvent encore preuve. Évidemment, la connaissance intellectuelle, en tant qu'elle est intellectuelle, n'est pas sensible; ce que j'ai voulu dire maladroitement c'est que notre connaissance intellectuelle est connaissance du donné sensible, pas en tant qu'il est sensible mais en tant qu'intelligible.
popeye a écrit :Dont acte, et pardon.
C'est déjà pardonné.
popeye a écrit :De deux, savoir s’il faut désigner l’argument comme a priori ou a posteriori n’a pas d’autre intérêt que sémantique. Ce qui importe n’est pas la façon dont on peut ou doit le désigner, mais s’il est probant.
Vous m'enlevez les mots de la bouche.
popeye a écrit :Or, que cela vous plaise ou non, le seule raisonnement a priori qui soit impossible, c’est le raisonnement a priori [au sens scolastique] qui vise à démontrer l’existence de Dieu, Dieu n’étant pas un effet.
Ainsi que toute preuve qui ne part d'aucune expérience de ce qu'elle tend à démontrer. Nous sommes donc en désaccord sur deux points:
1) Qu'une preuve doive partir de l'expérience de la chose qu'elle tend à prouver
2) Que nous ayions une certaine expérience de Dieu.

Premier point. Une preuve est un raisonnement. Or un raisonnement ne fait qu'éclairer le donné intelligible. Si l'existence de Dieu ne fait pas partie de notre donné intelligible, (donc de l'expérience) à nous humains, aucun raisonnement ne peut découvrir son existence où que ce soit!
Je pense donc qu'il y a à la base de l'argument ontologique une confusion sur la nature de la raison humaine. La raison ne nous renseigne pas sur ce que nous n'atteignons pas; elle nous aide à comprendre le donné expérimental parce que l'intelligence humaine est faible, elle n'est pas comme l'intelligence angélique, qui saisit sans raisonnement.

Deuxième point. Je l'ai déjà dit quelques fois et j'aimerais que vous me répondiez à ce sujet: l'effet c'est quelque chose de la cause, étant donnée l'idée d'acte et de puissance. L'effet c'est une puissance actualisée par un être en acte; elle n'est en acte qu'en tant qu'actualisée. Par conséquent l'effet montre quelque chose de la cause! Pas en elle-même, mais dans la mesure où elle agit, et où son agir est manifesté par l'effet. Connaître le créé c'est voir l'action de Dieu; voir l'action c'est dans une certaine mesure voir l'acteur.
Précisément non, à raison du conceptualisme réaliste. De ce que le réel est adéquat à la pensée, s’en suit qu’à tout concept non-contradictoire correspondra, dans l’ordre réel, soit une possibilité, soit une actualité. Et comme le concept n’est pas contradictoire, lui correspondra dans le réel soit une possibilité soit une actualité contingente soit une actualité nécessaire de nécessité absolue et par soi. Sauf que les deux premières branches de l’alternatives sont impossibles, puisqu’inadéquates. Donc le Parfait si parfait que rien de plus parfait existe nécessairement de nécessité absolue et par soi : tant l’existence que la nécessité sont déduites, et elles sont déduites au même instant logique.
Qu'à un contradictoire corresponde une impossibilité, je le concède; qu'à un non-contradictoire corresponde nécessairement un possible ou une actualité, je le nie. Parce qu'en réaliste convaincu je ne peux pas admettre qu'on inverse ainsi l'ordre de la connaissance. Ce qui nous renseigne sur le possible et le nécessaire, c'est notre intelligence par contact avec le réel, et non a priori. Une licorne est un être non-contradictoire (enfin, supposons-le), et pourtant cela ne me renseigne pas sur la possibilité qu'existe un tel être. Si elle n'est pas dans le plan de Dieu, ou dans la suite fatale des causes, non-contradictoire ou non, il est rigoureusement impossible qu'elle existe. Les contradictoires sont impossibles, mais ce ne sont pas les seuls impossibles.

Ou en d'autres termes, il y a une marge entre possibilité dans l'esprit et possibilité dans le réel. Le possible dans l'esprit c'est un possible ontologique, ie: l'être pensé est pensable; le possible dans le réel c'est une série de conditions réalisées et d'empêchements écartés. D'où à nouveau la fausseté de votre argument. Le nécessaire dans l'esprit ce n'est pas le nécessaire dans le réel. A priori, je ne sais pas.
Quant à vous, vous confondez sophistiquement, sous le même mot de « vérité », la vérité ontique et la vérité logique. La vérité logique est postérieure aux choses : la vérité logique est dans la pensée raisonnant sur le réel, et non en le réel lui même. Il y a vérité logique quand la réalité a été correctement intelligée. Quant à la vérité ontique, c’est purement et simplement la chose en tant qu’elle est intelligible : non pas en tant qu’elle est intelligée, mais en tant qu’elle est intelligible.

Si vous niez que le réel est de soit intelligible (je ne dit pas intelligé, mais intelligible !), vous niez le conceptualisme réaliste. Et par là, vous niez aussi les voies thomasiennes. En effet, c’est bien parce que le réel est intelligible que l’intelligence humaine peut l’intelliger. Si le réel n’est pas de soi intelligible, l’intelligence humaine, loin d’abstraire l’intelligibité du réel, ne fera que projette ses catégories sur un réel de soi an-intelligible : idéalisme … Par où se prouve la contradiction évidente de votre discours.
Le réel est intelligible, mais il ne s'ensuit pas que l'intelligence soit forcément adéquate au réel. J'ai retenu, entres autres, deux choses importantes des quelques livres de philosophie sur lesquels j'ai pu mettre la main jusqu'à maintenant. De un, que l'objet de l'intelligence humaine, c'est l'être intelligible des choses sensibles. De deux, que la vérité (non pas ontologique mais pour l'intelligence, merci pour la précision) c'est l'adéquation entre la pensée et le réel. Par conséquent vous comprenez ma méfiance, quand au départ de sa preuve un certain popeye dit: "le réel est adéquat à la pensée. " Que le réel soit adéquat à sa pensée, c'est ce dont sa preuve devrait me convaincre; mais il ne me convainc pas, parce qu'il suppose ce dont il devrait me convaincre.

Ou soutiendrez-vous que l'adéquation entre la pensée et le réel puisse en même temps être la définition de la vérité dans l'esprit ET la définition de la vérité dans les choses? Comme définition de la vérité dans les choses, en tout cas c'est franchement mauvais. C'est la définition de la vérité dans l'esprit, et rien d'autre. Alors de quel droit l'invoquez-vous comme principe valable en tout temps d'un "conceptualisme réaliste"? Les conceptualistes réalistes se proclament-ils nécessairement, par principe et définition, dans la vérité?[/align]
Dernière modification par LumendeLumine le lun. 22 janv. 2007, 23:14, modifié 1 fois.

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