Dominica XXIV per annum
24ème dimanche du Temps ordinaire
La collecte de ce dimanche est issue du sacramentaire de Vérone ; elle fait partie de l’une des neuf messes composées par le pape Vigile (537-555).
Voici la traduction proposée par
Dom HALA (p. 110) :
Tourne-toi vers nous, Dieu créateur et souverain de toutes choses, et accorde-nous de te servir avec un coeur sans partage, de façon à pouvoir expérimenter concrètement ton pardon.
Comme dans l’oraison d’entrée du 22ème dimanche
per annum, l’Eglise demande à Dieu Tout-Puissant, “C
réateur et souverain” de tout ce qui est, d’enraciner en nous l’amour de Son Nom, de telle manière que nous puissions le servir “
avec un coeur sans partage” (cf. la même idée exprimée dans la collecte du 29ème dimanche). Mais la demande principale qui fait toute l’originalité de cette prière, c’est celle d’ “
expérimenter concrètement” le pardon divin. On va voir que cette miséricorde divine est au coeur de la Messe de ce dimanche.
La
Super Oblata, issue du sacramentaire gélasien, est au 5ème dimanche après la Pentecôte dans le MR1962.
Famularumque a été omis, mais est bien sûr sous-entendu dans
famulorum.
Traduction précise (Dom Lefèbvre, légèrement modifiée) :
Cédant à nos supplications, Seigneur, accueillez, dans votre bonté, ces offrandes de vos serviteurs, afin que, présentées par chacun en votre honneur, elles servent au salut de tous.
La fin de cette prière constitue un beau commentaire de la communion des saints. Les péchés et les bienfaits des baptisés, en un mot leurs actes, sont sans doute personnels, en tant qu’ils sont le fait de personnes libres. Mais parce que les baptisés sont aussi membres de ce corps unique qu’est l’Eglise, ces mêmes actes, bons ou mauvais, ont un impact, positif ou négatif, dans tout le corps mystique. Ainsi l’oblation de nos prières et de nos vies que nous faisons à Dieu à l’offertoire peuvent-elles profiter au salut de tous. L’exemple de Moïse dans la
L1 illustre parfaitement ce principe.
La Postcommunion était employée au 15ème dimanche après la Pentecôte dans le MR1962. Une légère modification a été introduite : à la fin de la prière, le terme
semper remplace
iugiter.
Traduction précise (Dom Lefèbvre, légèrement modifiée) :
Que l’action pénétrante du don céleste s’empare de nos âmes et de nos corps, Seigneur, afin que ce ne soit plus notre propre sentiment, mais la vertu de ce sacrement qui prévale toujours en nous.
Les lectures proposées ce dimanche chantent la miséricorde inlassable du Seigneur à l’égard des hommes.
La
L1 (
Ex XXXII, 7...14) met en valeur le caractère propitiatoire de la prière d’intercession de Moïse (comparable en cela à Abraham : cf.
L1 du 17ème dimanche
per annum). Le Seigneur, offensé par l’idolâtrie des Juifs qui adorent le veau d’or, renonce à châtier leur impiété après que Moïse lui eut rappelé Ses solennelles promesses à l’égard du peuple hébreux, sans cesse réaffirmées par les prophètes jusqu’à la venue du Christ (
A1).
Le
Ps chante en quelque sorte la prise de conscience par les Juifs de leurs péchés, et surtout la nôtre, à nous qui sommes si souvent asservis à toutes sortes d’idolâtries. Nous en appelons à la «
grande miséricorde » de Dieu, Lui «
qui es bon et qui pardonnes » (
Alleluia). Comme dans la première lecture et le Graduel grégorien de dimanche dernier, on peut voir une image de la Sainte Trinité dans la deuxième strophe du psaume : «
Crée en moi un coeur pur [cf.
P1],
ô mon Dieu (=Père),
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit, ne me chasse pas loin de ta face (=Verbe),
ne me reprends pas ton esprit saint (=Paraclet) ».
La
L2 (
1 Tm I, 12-17), pour une fois, et sans doute fortuitement, s’accorde parfaitement avec les deux autres lectures. Paul y raconte brièvement à son disciple Timothée la miséricorde de Dieu à son égard, lui qui, avant sa conversion spectaculaire sur le chemin de Damas, «
ne savait que blasphémer [comme ses ancêtres Juifs dans la
L1]
, persécuter, insulter ». Mais, ajoute Paul, «
la grâce de notre Seigneur a été encore plus forte » que le péché, et avec elle « l
a foi et l’amour dans le Christ Jésus »
(1). Et de conclure magnifiquement : «
le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs ». Peut-il y avoir meilleure introduction à notre évangile ?
(1) « Ton amour pour le monde est si grand que tu nous as envoyé un sauveur ; tu l’as voulu semblable aux hommes en toute chose à l’exception du péché, afin d’aimer en nous ce que tu aimais en lui ; nous avions rompu ton alliance, nous la retrouvons dans l’obéissance de ton Fils. » - Préface des dimanches du Temps ordinaire VII (traduction officielle).
Il n’y a pas de plus beau commentaire de la sollicitude et de la miséricorde divines envers les hommes que les paraboles de la brebis égarée et de la drachme perdue (
L3 ;
Lc XV, 1-32 - on peut y ajouter celle du fils prodigue
(2), dont la lecture n’est cependant pas obligatoire). Dieu est comme ce berger qui a perdu une brebis
(3), comme cette femme qui a égarée une drachme : il poursuit inlassablement le pécheur de Son Amour, pour le ramener au bercail de la vie
(4). Car il y a plus de «
joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion » (cf.
A3 greg.).
(2) Lue aussi cette année C au 4ème dimanche de Carême.
(3) Voir aussi la Messe du bon pasteur au 4ème dimanche de Pâques, 2ème dans le MR1962.
(4) « Mais il est temps d'expliquer le sens caché de cette parabole céleste. Cet homme qui possède cent brebis, le Christ, est le bon pasteur, le pasteur miséricordieux qui a établi tout le troupeau de la race humaine en une seule brebis, c'est-à-dire en Adam. Il avait placé la brebis dans le paradis enchanteur et dans la région des pâturages de vie. Mais elle, se fiant aux hurlements des loups, a oublié la voix du berger, elle a perdu le chemin qui conduit au bercail du salut et s'est trouvée toute couverte de blessures mortelles. Le Christ est venu dans le monde chercher la brebis et l'a retrouvée dans le sein de la Vierge. Il est venu, il est né dans la chair, il a placé la brebis sur la croix, et l'a prise sur les épaules de sa passion. Puis, tout rempli de la joie de la résurrection, il l'a élevée, par son ascension, jusqu'à la demeure du ciel. » - Saint Pierre Chrysologue.
Les chants grégoriens de ce dimanche (
ICI) étaient employés au 18ème dimanche après la Pentecôte dans le MR1962, hormis l’offertoire (
Precatus est ; 12ème dimanche après le Pentecôte) et la communion (
Dico vobis ; 3ème dimanche après la Pentecôte).
L’Alleluia
Timebunt gentes était employé au Graduel du 22ème dimanche
per annum : nous y renvoyons notre lecteur. Si l’on suit l’opinion de
Dom Ludivic BARON, l’emploi de cet Alleluia au 18ème dimanche après la Pentecôte dans le MR1962 serait dû au fait que l’épître (
1 Co I, 4-8), sur sa fin, fait clairement référence à la Parousie.
L’offertoire
Precatus est (5) fait parti de ces antiennes non psalmiques d’origine hispanique (cf. note 5 du précédent dimanche). Il a cependant la particularité, unique à ce qu’il me semble, d’être tiré de la première lecture. On remarquera cependant que que le texte de notre offertoire n’est qu’une vague paraphrase, très libre, du texte biblique : c’est là une caractéristique de la liturgie gallicano-hispanique, qui n’hésitait à adapter la Sainte Ecriture aux besoins du culte. L’offertoire
Sperent in te omnes (6), qui accompagne d’une manière très appropriée notre péricope évangélique dans le MR1962 (3ème dimanche après la Pentecôte), aurait pu fort bien convenir lui aussi.
Comme notre offertoire est tiré de la première lecture, notre communion
Dico vobis (7) est reprise de l’évangile, cas de loin beaucoup plus fréquent. Employé aussi pour la solennité du Sacré-Coeur, cette courte antienne résume tout l’esprit de cette Messe, et accompagne magnifiquement la procession des fidèles qui vont communier au Sacrement de l’Amour divin.
(5) Precatus est Moyses in conspectu Domini Dei sui, et dixit : Quare, Domine, irasceris in populo tuo ? Parce irae animae tuae : memento Abraham, Isaac, et Jacob, quibus jurasti dare terram fluentem lac et mel. Et placatus factus est Dominus de malignitate, quam dixit facere populo suo. / Moïse implora le Seigneur son Dieu, et dit : « Pourquoi, Seigneur, t’irriter contre ton peuple ? Apaise ta colère ; souviens-toi d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, à qui tu as juré de donner une terre où coulent le lait et le miel. » Et le Seigneur, apaisé, n’exécuta pas le châtiment dont il avait menacé son peuple.
(6) Sperent in te omnes, qui noverunt noment tuum, Domine : quoniam non derelinquis quaerentes te : psallite Domino, qui habitat in Sion : quoniam non est oblitus orationem meam. / En toi se confient tous ceux qui connaissent ton nom, car tu n’abandonnes pas ceux qui te cherchent, ô Seigneur. Chantez le Seigneur, qui habite en Sion, car il n’oublie pas le cri des malheureux. Ce passage en gras, il faut bien l’admettre, prend un relief tout particulier lorsqu’il est chanté après notre parabole de bon pasteur. Ce n’est donc sans doute pas fortuit si cet offertoire accompagne notre péricope évangélique dans le MR1962. Il est proposé au 9ème dimanche per annum dans le Missel grégorien de Solesmes.
(7) Dico vobis : gaudium est Angelis Dei super uno peccatore paenitentiam agente. / Je vous le dis : il y a de la joie parmi les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent. - Cette communion est aussi employée au 3ème dimanche après la Pentecôte dans le MR1962.