Du principe dit "de subsidiarité"

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Christophe
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Du principe dit "de subsidiarité"

Message non lu par Christophe » mar. 15 juin 2004, 23:14

Le principe de "subsidiarité", inscrit (art. 5 (3B) TCE) dans le traité de Maastricht - l'un des traités fondateurs de l'Union européenne - est inspiré de la Doctrine sociale de l'Eglise.

Nous devons la formulation la plus connue de ce principe à Pie XI, dans l'encylique Quadragesimo anno (1931) :
[align=justify]" On ne peut enlever aux particuliers pour les transférer à la communauté les attributions dont ils sont capables de s'acquitter par leur seule initiative et par leurs propres moyens. De la même manière, ce serait commettre une injustice, en même temps que troubler d'une façon très dommageable l'ordre social que de retirer aux groupements d'ordre inférieur, pour les confier à une collectivité plus vaste et d'un rang supérieur, les fonctions qu'ils sont en mesure d'accomplir par eux-mêmes.
L'objet de toute intervention en matière sociale est d'aider les membres du corps social, et non pas de les détruire ni de les absorber
".[/align]

Cependant, l'esprit de ce principe est largement antérieur à cette formulation (finalement assez récente) et se retrouve déjà chez Aristote ou saint Thomas d'Aquin (De regimine principum 1, 15).

Le principe de subsidiarité est donc une heuristique pour approcher le "point d'équilibre" dans les relations qu'entretiennent entre-eux les différents corps sociaux.

Le projet de Constitution de la Convention propose de consacrer le principe de subsidiarité comme principe fondamental de l'Union (Partie I, Titre III, art. 9) pour la définition de la répartition des compétences propres de la Communauté européenne (CE) et des Etats membres de la CE.

Si ce principe d'une vérité criante devrait inspirer tout constitutionaliste ayant à coeur de servir le Bien Commun, en revanche l'inscrire dans une Constitution comme principe de droit positif (et non comme simple déclaration de principe) pourrait se réveler extrêmement préjudiciable pour les Etats membres qui n'auraient, de facto, plus leur mot à dire dans le partage de l'exercice de leur souveraineté... (La Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) serait alors seule juge de la répartition des compétences entre la Communauté et les Etats membres !)

Le tribunal de première instance des Communautés européennes avait retenu, dans son arrêt du 21 février 1995 (recueil II-289, point 331) que "le principe de subsidiarité ne constituait pas, avant l'entrée en vigueur du traité sur l'Union européenne, un principe général du droit, au regard duquel aurait dû être contrôlée la légalité des actes communautaires". En revanche il ne se prononce pas sur ce qu'il adviendra après l'entrée en vigeur du traité, lorsque le principe de subsidiarité sera posé comme "principe général du droit".

:!: Soyons vigilants à ce que l'inscription constitutionnelle du principe de subsidiarité ne soit pas le cheval de Troie qui causera la ruine des souverainetés nationales, sans que ni les citoyens ni les gouvernements nationaux n'aient leur mot à y dire.

Références :
Article "Qu'est-ce que le principe de subsidiarité ?" (vie-publique.fr)
Le principe de subsidiarité : fiche technique du Parlement européen (europarl.eu.int)
"L'application du principe de subsidiarité", Rapport au Sénat de Christian de Malène (senat.fr)
Agenda social - "Le principe de subsidiarité"
Site du Centre de formantion)
Dernière modification par Christophe le sam. 18 déc. 2004, 20:50, modifié 2 fois.
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PH
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Re: Du principe dit "de subsidiarité"...

Message non lu par PH » mar. 15 juin 2004, 23:41

J'ai compris mais c'est pas trop simple quand même. Tu devrais peut-être reprendre pour bien expliquer qu'il y a une grande différence entre un principe comme le principe de subsidiarité et sa transformation en un principe général de droit positif ce qui est très différent. Une Europe uniquement préoccupée de constituer un grand marché unique et non plus comme le voulait les "Pères", un outil de paix et de réconciliation au service du bien commun des peuples européens ne peut que souhaiter transformer un principe au service du bien commun en un principe au service de la concurrence conçue comme un aboutissement de l'évolution économique et non comme un mécanisme économique parmi d'autres. Bon je reverrai ma copie, si c'est pas trop clair. Le problème de la souveraineté est complexe, certains phénomènes comme les pollutions fluviales, aériennes ne sont pas gérables au seul niveau de l'Etat-nation, c'est ce que j'appelle le commun. Cela suppose des accords concrets multilatéraux sur des bases objectives et non plus seulement des grands principes flous qui ne satisfont personne.

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Christophe
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Re: Du principe dit "de subsidiarité"...

Message non lu par Christophe » jeu. 17 juin 2004, 19:44

Paul Hargaut a écrit :Tu devrais peut-être reprendre pour bien expliquer qu'il y a une grande différence entre un principe comme le principe de subsidiarité et sa transformation en un principe général de droit positif ce qui est très différent.
OK, je développe un peu. ;-)

Le principe de subsidiarité a été avant tout conçu comme un principe politique, destiné à l'usage des constituants.
En effet, la fonction constituante (qui est proprement la définition de l'architecture et de l'articulation des compétences des pouvoirs publics) est, sans doute aucun, le coeur de la souveraineté politique.

Le statut de principe juridique accordé au principe politique qu'est le principe de subsidiarité n'aurait pas d'autre conséquence que d'attribuer aux juges de la CJCE une fonction politique. Et la première d'entre-elles : la fonction constituante. En confiant la définition de la répartition des compétences aux juges européens, on dépouille mécaniquement les actuels propriétaires de cette prérogative (soit les Etats membres) ; et l'on confie à des fonctionnaires le rôle qui, de droit, revient aux politiques.

L'Union Européenne nous avait habitués à abandonner une partie du pouvoir politique au profit des acteurs économiques, maintenant elle s'apprête à en confier un autre fragment aux dépositaires de l'autorité judiciaire. Après la ploutocratie, la jugocratie :?:

Christophe
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péché et principe de subsidiarité

Message non lu par bajulans » sam. 22 oct. 2005, 16:30

Votre post est très éclairant sur ce principe de philosophie sociale qu'est le principe de subsidiarité.

Il est bien évident que si les consciences ne sont pas formées, tous les principes sociaux possibles et imaginables, même énoncés dans les lois, resteront lettres mortes. Bien que la loi ait aussi une vertu pédagogique.

Effectivement le premier péché s'est fait par désobéissance à Dieu et le deuxième s'est fait contre le prochain.
Est-ce que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais défendu de man­ger? "

12 L'homme répondit : " La femme que vous avez mise avec moi m'a donné du fruit de l'arbre, et j'en ai mangé. "
Gen. III, 11 et 12

C'est bien ce que vous décrivez :
Serge Bonnefoi a écrit :qu’aujourd’hui l’homme refuse très souvent le risque ; l’homme ne veut plus prendre de risques dans sa vie - y compris la plus intime -, et il attend tout de l’autre à qui il reproche toujours de ne rien faire, que cet autre soit l’élu " toujours corrompu ", le fonctionnaire " toujours fainéant ", l’enseignant " toujours en vacances ", le policier " toujours méchant ", … On veut une petite vie " pépère ", bien repliée sur son seul ego, sans risques surtout, bien aseptisé (…) ". Les liens avec la gouvernance sont ici évidents…
Et ce deuxième péché était une accusation, une médisance. Au lieu de confesser sa faute, Adam accuse Eve... Celle qu'il chérissait par dessus tout quelques versets plus haut en l'appelant
Et l'homme dit: " Celle-ci cette fois est os de mes os et chair de ma chair !
Gen. II, 23

Adam et Eve se repentiront et deviendront les saints, mais cela est une autre histoire.

A mon avis le problème que vous soulevez de l'absence de confiance dans les autorités vient, au moins en partie, d'un mauvais usage des mass media, qui vendent du scandale alors qu'on ne peut vendre "aujourd'hui, les tribunaux ont rendu des jugements conformes à la loi, des policiers ont protégé, au péril de leurs vies la tranquillité publique, des politiciens se sont dévoués au bien commun."

Ce principe de subsidiarité est un des deux bouts de la chaîne, à l'autre bout est le principe de totalité, qui s'étend, je pense jusqu'à la communauté que constitue l'entière famille humaine (d'où la nécessité, entre autres, d'accords internationaux)

Le contre-poids, ou le complément du principe de subsidiarité, est donc le principe de totalité et vice versa. Ils sont les deux principes de la gouvernance, c'est-à-dire de la gestion rigoureuse d'un Etat, d'une entreprise selon la définition du dictionnaire.

Subsidiarité, totalité, bien commun sont les trois notions autour desquelles se développe la philosophie sociale. Totalité est un fil qui manque au forum. La définition du bien commun souffre encore d'imprécision.
Loué soit Jésus-Christ

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