III. LE SYSTÈME CREDITISTE
Cette partie a pour objet d'examiner les différentes propositions faites par les créditistes pour résoudre les problèmes évoqués ci-dessus.
1. Recouvrement par l'Etat du monopole de l'émission monétaire
Afin de restaurer le système monétaire dans ses justes fondements et de l'ordonner à sa fin naturelle - la satisfaction des besoins matériels authentiques de l'homme - les Etats doivent récupérer la prérogative qui leur appartient de droit (régalien) et qu'ils ont iniquement abandonnée au secteur bancaire privé : le droit de battre monnaie. En effet, comme le disait saint Louis, Roi de France : "
le premier devoir d'un roi est de frapper l'argent lorsqu'il en manque pour la bonne vie économique de ses sujets".
Une Banque d'Etat pourrait remplir cette fonction d'émettre la monnaie nationale, tant fiduciaire (pièces et billets) que scripturale (argent de chiffre). Cela implique l'obligation pour les banques privées de n'accorder des crédits qu'en fonction de leurs dépôts.
2. Régulation de la masse monétaire en fonction de la richesse nationale
La masse monétaire, c'est-à-dire le volume de monnaie en circulation dans le pays doit être continuellement ajustée à la richesse nationale afin de conserver l'équilibre entre les biens disponibles et la monnaie - représentant un pouvoir d'achat - qui permet de les acheter.
Usuellement, la création de richesse d'un territoire est évaluée grâce à l'agrégat du
Produit Intérieur Brut (PIB), qui mesure la valeur de tout ce qui a été produit en un an dans le pays et est calculé en additionnant les valeurs ajoutées réalisées par les entreprises sur ce territoire. Néanmoins, ce n'est pas le PIB que les créditistes proposent d'utiliser pour la régulation de la masse monétaire. En effet, si le PIB exprime assez bien la création de richesse (tout en demeurant
contestable), il omet la perte de valeur qui a lieu dans le même temps par usure, cession, consommation... Par exemple, une guerre ou une catastrophe naturelle vont créer de l'activité par le besoin de reconstruction et le bilan sera interprété par le PIB comme un enrichissement national !
Les créditistes proposent donc d'évaluer l'accroissement de la richesse nationale par le différentiel entre la création de richesse et la destruction de richesse. Par exemple, supposons que pour une année donnée, les statistiques nationales soient :
<table align="center" border=0 cellspacing=0 cellpadding=5><tr><td><table border=5 cellspacing=5 cellpadding=5><tr><td width="250">Production de biens de capital :</td><td>2000 Md€</td></tr><tr><td>Production de biens consommables :</td><td>5000 Md€</td></tr><tr><td>Importations :</td><td>1000 Md€</td></tr><tr><td>
Total des enrichissements :</td><td>
8000 Md€</td></tr></table></td><td><table border=5 cellspacing=5 cellpadding=5><tr><td width="250">Dépréciation du capital :</td><td>1200 Md€</td></tr><tr><td>Consommation :</td><td>4000 Md€</td></tr><tr><td>Exportations :</td><td>800 Md€</td></tr><tr><td>
Total des appauvrissements :</td><td>
6000 Md€</td></tr></table></td></tr></table>
Pendant que le pays s'enrichissait (en biens réels) de 8000 Md€, il s'appauvrissait (en usant, cédant, consommant) de 6000 Md€. Au bilan, le pays s'est donc enrichi de 2000 Md€. Pour rendre la production pleinement accessible aux consommateurs - auxquels elle est destiné - et afin d'éviter le phénomène de la surproduction, il est nécessaire de mettre en circulation une somme monétaire - symbolisant une valeur marchande - équivalente à cet enrichissement, soit 2000 Md€.
3. Attribution de la monnaie émise
S'il y a émission de monnaie, se pose la question de son usage : Que faire de cet argent ?
Traditionnellement, les créditistes proposent d'écluser le surplus monétaire en versant un dividende à tous les citoyens, de la naissance à la mort. On retrouve donc là la (mauvaise) idée de
Dividende Universel (DU) défendu en France par Christine Boutin. Je n'insiste pas, conformément aux recommandations de la Commission d'Etudes qui conseille aux créditistes de "
ne pas trop appuyer sur le dividende, qui n'est pas essentiel au système".
Mais à qui revient de droit cet argent, représentant un pouvoir d'achat équivalent à la richesse crée ? Est-ce aux citoyens, indifféremment de leur travail ? Certainement pas : "
Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus." (2 Th 3.10) Est-ce aux travailleurs créateurs - par leur travail - de cette richesse ? Non plus, car leur salaire suffit : "
Mon ami ! Je ne te fais pas de tort, n'as-tu pas été d'accord avec moi pour un denier ? Prends ce qui est à toi et va-t'en." (Mt 20.13-14) Cette augmentation de la richesse collective qui n'appartient à personne en particulier appartient donc à tous, c'est-à-dire à la communauté - dont l'Etat est l'émanation institutionnelle. Il est donc parfaitement légitime que l'Etat conserve l'usage - pour le
bien commun - de cet argent qu'il a crée et diminue d'autant les prélèvements obligatoires qui pèsent sur la nation.
Une autre proposition créditiste pour égaliser la production et le pouvoir d'achat est d'instaurer un
escompte national sur les prix, c'est-à-dire que chaque achat (ou vente) facturé donnerait lieu l'année suivante - lorsque les comptes de la Nation auront été réalisés - a un remboursement au consommateur ou au vendeur. Au-delà de la difficulté technique de la mise en oeuvre de cette proposition et de la question de la légitimité de sa philosophie (distribuer le nouveau pouvoir d'achat au
prorata du pouvoir d'achat acquis), il faut s'interroger sur son opportunité même. Cette proposition postule un décalage entre la masse monétaire en circulation et la production disponible sur le marché, décalage qui ne pourrait être résorbé que l'année suivante, une fois les comptes réalisés. Or les statistiques économiques sont aujourd'hui disponibles en temps réel, c'est-à-dire que l'Etat est capable en permanence d'ajuster le volume monétaire disponible et un "escompte" serait parfaitement inutile.
4. Le crédit sans intérêts
Les créditistes demandent l'instauration du prêt sans intérêt. Les banques privées ne pourront plus accorder de crédits qu'en fonction de leurs dépôts et seront rémunérés en facturant des honoraires ou en recevant des dividendes lorsque le capital prêté fructifie et crée des richesses. Pour se couvrir contre les risques de non-remboursement, la banque peut exiger des garanties (cautions, hypothèques) ou proposer des polices d'assurance.
De même la Banque d'Etat pourra, comme toute banque privée, créer du crédit lorsque le besoin s'en fait sentir (chômage de masse...), afin d'alimenter la croissance de production de biens réels (biens d'équipement, services supplémentaires, biens de consommation nécessaires). Lorsque le prêt - sans intérêts - est remboursé, la dette disparaît, mais le bien réel qu'il a permis de produire reste là, lui.